Les Etats-Unis ont annoncé la semaine dernière la levée des sanctions imposées en 2015 au Burundi, alors secoué par une violente crise politique, saluant une embellie depuis l'élection à la présidence d'Evariste Ndayishimiye en mai 2020.
"C'est étonnant qu'un pays aussi puissant puisse regarder la question du Burundi avec des yeux très réducteurs", déclare Alexis Sinduhije, président du parti d'opposition Mouvement pour la solidarité et le développement (MSD).
"Les citoyens meurent chaque jour, les rapports de droits de l'Homme en parlent, les observateurs qui sont sur place (...) le savent", ajoute cet ancien journaliste de 45 ans qui vit en exil à Bruxelles où il est devenu un des plus farouches opposants au régime burundais.
"Je ne vois pas ce qui a changé au Burundi sauf aux yeux des Américains eux-mêmes".
M. Sinduhije a figuré sur la liste des 100 personnalités les plus influentes du magazine Time en 2008 et reçu en 2004 un prix du Comité pour la protection des journalistes pour avoir monté la Radio Publique Africaine, qui visait à promouvoir la paix entre Tutsi et Hutu à la fin de la longue guerre civile burundaise.
Mais celui qui fut une fois candidat à l'élection présidentielle était également visé par les sanctions américaines, accusé d'avoir été un soutien actif de la rébellion armée dans ce petit pays à majorité hutu.
Pour M. Sinduhije, figurer sur cette liste noire américaine était "injuste" et, selon lui, son ethnicité Tutsi a pu jouer un rôle pour amener de "l'équilibre" avec les Hutu qui y figuraient.
La décision américaine intervient deux mois après la publication d'un rapport de la Commission d'enquête de l'ONU sur le Burundi selon lequel la situation des droits humains y reste "désastreuse" et s'est "à certains égards détériorée" depuis la prise de pouvoir de M. Ndayishimiye.
"Les membres des partis d'opposition (...) sont toujours régulièrement la cible de restrictions abusives et font l'objet de graves violations des droits de l'Homme telles que les disparitions, les arrestations et détentions arbitraires et les actes de torture", soulignait en septembre ce texte.
Le même mois, le Burundi a lancé un mandat d'arrêt contre M. Sinduhije, l'accusant de diriger un groupe responsable "d'actes terroristes" commis ces dernières années dans le pays.
L'opposant affirme que c'est la sixième fois qu'un gouvernement burundais émet un mandat d'arrêt contre lui, et déclare : "c'est un mandat politique ce n'est pas un mandat judiciaire".
Alexis Sinduhije est soupçonné de longue date par le pouvoir d'être à la tête du RED-Tabara, aujourd'hui considéré comme le plus actif des groupes rebelles burundais et accusé d'une série d'attaques depuis 2015.
M. Sinduhije a toujours rejeté ces accusations. Mais il affirme à l'AFP être en contact avec le RED-Tabara, tout comme avec "tous ceux qui se battent contre le pouvoir".
"La ligne est (...) simple : notre parti exige la négociation d'un processus électoral inclusif et qui ne soit pas +truquable+", assure-t-il.
"M'associer avec Red Tabara, je pense que c'est une façon de m'exclure sur le plan politique", ajoute-t-il, précisant : "Moi je veux toujours discuter avec eux politiquement, je veux un débat".
"Ces gens sont des héros pour moi, ce ne sont pas des terroristes, ce sont des héros, ils se battent pour l'avenir de notre pays, pour la liberté, pour un peuple qui a un choix".
Selon lui, le RED-Tabara, dont la base arrière est en RD Congo et qui compterait entre 500 et 800 hommes, se renforce et a maintenant une présence au Burundi.
En septembre, le groupe rebelle a revendiqué une attaque contre l'aéroport international de Bujumbura, la capitale économique du Burundi, où plusieurs attaques ont eu lieu le même mois.
A long terme, affirme M. Sinduhije, le parti au pouvoir, issu de l'ancienne principale rébellion hutu, devra parler à ses opposants : "Qu'ils le veuillent ou non, ils seront obligés de dialoguer".
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