Violations des Droits de l'Homme au Burundi: "il y a peut-être une complicité avec les autorités" - Armel Niyongere

Infos. Au Burundi, alors que les violations des Droits de l'Homme font lot commun dans un quasi silence des autorités, des défenseurs des Droits de l'Homme sont persécutés. Dans ce contexte, Armel Niyongere, avocat burundais en exil a reçu jeudi 18 novembre le prix Engel-Du Tertre décerné par l'Association des Chrétiens pour d'Abolition de la Torture (ACAT) pour son engagement en faveur des Droits de l'Homme. Il répond aux questions de Lilianne Nyatcha.

Violations des Droits de l'Homme au Burundi: "il y a peut-être une complicité avec les autorités" - Armel Niyongere
(Armel Niyongere) - (Armel Niyongere)

Qu'est-ce que ce prix représente pour vous ?

C’est une reconnaissance internationale des activités que nous menons dans un contexte difficile au Burundi, surtout pour nous les défenseurs des Droits. C'est un exercice difficile car depuis 2015, nous avons été contraints de fuir le Burundi parce qu’on était persécutés.

Mais en étant à l'extérieur du Burundi, nous avons mis en place un mécanisme qui nous permet de continuer à faire du monitoring des violations des Droits de l’Homme. Pour cela, nous avons recruté des observateurs invisibles qui sont au pays au Burundi, qui font la documentation des violations des Droits de l'Homme et qui nous envoient des informations. Ensuite on procède à la vérification de ces informations afin de produire des rapports régulièrement. Nous faisons aussi des plaidoyers sur le plan international.

Quand vous parlez de persécution, de quels actes s'agit-il précisément ?

Depuis 2015, il y a eu beaucoup de mesures pour persécuter les défenseurs des Droits de l’Homme. Moi-même, je suis actuellement condamné à perpétuité. Il y a des dizaines de défenseurs des droits de l’Homme qui sont avec moi dans le dossier où on a dit que nous avons participé au coup d'Etat. Il y a aussi mon organisation et une dizaine d’autres qui ont été radiées par le Ministre de l'Intérieur en 2016.

Mais par là, ils ont voulu nous déstabiliser, nous diaboliser parce que nous avons organisé des manifestations de contestation du troisième mandat qui violait la constitution et l'accord d'Arusha.

Le troisième mandat du président Pierre Nkurunziza…

Oui.

L’ONG "Initiative burundaise des Droits de l'Homme" a dressé dans son rapport 2020 sorti en début du mois, un tableau sombre de la situation des Droits de l'Homme. Selon ce document, il y aurait une augmentation des cas de torture et des disparitions forcées depuis avril 2021. Comment réagissez-vous à ce constat ?

Ce constat est une réalité parce que ces derniers jours on assiste à beaucoup de violation des Droits de l’Homme, beaucoup d'assassinats, beaucoup de disparitions forcées, beaucoup de cas de violences basées sur le genre. Toutes ces violations se commettent dans une impunité totale.

Vous voulez dire que les autorités ne réagissent pas ?

Pas d’enquête. Les autorités ne réagissent pas et il n’y a personne qui est poursuivie pour avoir commis ces violations. C'est une impunité totale. 

Mais l’ONG explique que cette recrudescence des exactions coïncide avec le début d'une série d'attaques armées et d'embuscades qui ont été enregistrées dans plusieurs provinces du pays entre avril et septembre 2021.Ces attaques ne mettent t-elles pas le gouvernement sous pression ?

Non, je ne pense pas. Parce qu’on a appris ces derniers jours qu’il y a des entraînements paramilitaires qui se font à l’intérieur du Burundi. Ce sont des entrainements des jeunes du parti au pouvoir CNDD-FDD. Et on se pose la question de savoir pourquoi faire des entraînements paramilitaires à ces jeunes alors que le Burundi a des policiers et des militaires équipés pour assurer la sécurité du pays.

Tout cela montre que le gouvernement n’est pas cohérent et peine à mener les actions qui vont emmener la paix au Burundi. S’ils continuent à armer les jeunes du parti au pouvoir, cela veut dire qu’ils se préparent à quelque chose qu'on ne voit pas.

En réaction au rapport de cette ONG, le Ministre des Affaires Etrangères Albert Shingiro a dit que le gouvernement burundais responsable et laborieux ne perd pas son temps précieux sur ce qu'il qualifie de "brouhaha, de rapport creux et fallacieux". Un commentaire ?

Depuis le début de la crise, on a vu que les autorités ont toujours nié l'existence des violations des Droits de l'Homme au lieu de trouver une solution dans la lutte contre l’impunité. Au lieu de demander la poursuite par la justice car ces gens sont bien connus. Ce qui traduit peut-être que c'est une complicité et que les autorités sont au courant de tout ce qui se passe dans le pays. Vous savez que le Burundi est sous enquête de la Cour Pénale Internationale.

Décryptage Burundi

Newsletter

Restez informé ! Recevez des alertes pour être au courant de toutes les dernières actualités.
Réagir à cet article

L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.

En direct
Les rendez-vous santé
Nos applications
Facebook
Twitter
Instagram
Violations des Droits de l'Homme au Burundi: "il y a peut-être une complicité avec les autorités" - Armel Niyongere