Abdoulaye, silhouette longiligne, arc et carquois en bandoulière, jette un coup d'oeil sur les passagers d'un véhicule à l'entrée de son hameau près de Banibangou, dans l'ouest du Niger, théâtre de violences de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda et à l'Etat islamique.
"Je suis un membre du Comité de vigilance" un groupe d'autodéfense, affirmait-t-il début novembre à l'AFP, en précisant qu'il ne s'aventurait jamais loin."Je fais juste la ronde autour du village".
Exaspérés par les massacres, razzias du bétail, enlèvements contre rançons, assassinats ciblés et extorsions de fonds, des villageois ont monté clandestinement des milices d'autodéfense pour résister aux atrocités des jihadistes armés.
La semaine dernière, un comité d'habitants de la région de Tillabéri, zone dite des "trois frontières" entre Niger, Mali et Burkina Faso, a "de nouveau lancé un appel à toute la population, en particulier aux bras valides et aux bonnes volontés, afin de nous organiser pour défendre notre région".
Au cours des deux premières semaines de novembre, près de 100 membres de groupes d'autodéfense ont été tués par des présumés jihadistes dans l'ouest du Niger.
Le 2 novembre, au moins 69 membres d'un de ces groupes, emmenés par le maire de Banibangou, sont massacrés dans une embuscade, puis le 16, ce sont 25 membres d'une autre milice qui sont à leur tour tués dans une attaque d'un campement à Bakorat, dans la région de Tahoua, voisine de celle Tillabéri.
A Banibangou des "jeunes villageois" se sont "portés volontaires pour venger leurs morts et protéger leurs biens", raconte un ex-maire de la région."Ils sont juste équipés de flèches, d'armes blanches et sûrement de quelques armes à feu", selon un habitant de Banibangou.
Dans la région de Tahoua, un groupe d'autodéfense s'était déjà manifesté après le massacre en mars 2021 de 141 civils, dont des enfants, dans plusieurs localités et campements dont, déjà, celui de Bakorat.
Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux a montré des hommes enturbannés tenant des fusils automatiques dans laquelle ils expliquent "avoir pris les armes contre le terrorisme, suite à ces massacres".
Le régime du président nigérien Mohamed Bazoum n'interdit pas formellement ces milices, mais les tolère.
- Mises en garde -
"Le gouvernement du Niger n'encourage pas les populations à prendre les armes pour se défendre, c'est un grand danger pour elles-mêmes", a récemment déclaré le général Mahamadou Abou Tarka, président de la Haute autorité pour la consolidation de la paix (HACP).
Souley Oumarou, dirigeant de l'ONG Forum pour une citoyenneté responsable (FCR) met en garde contre "des dérives intercommunautaires", soulignant que "les groupes d'autodéfense peuvent s'en prendre aux membres" d'une communauté différente de celle à laquelle appartiennent des jihadistes et ainsi enclencher un cycle de violences.
Après le dernier massacre de Banibangou, le président nigérien Mohamed Bazoum s'était rendu sur place, pour déclarer aux habitants "comprendre" qu'ils ne soient "pas satisfaits" des résultats de l'armée.
"Si vous pensez que pouvez assurer votre défense c'est légitime, mais celui qui doit assurer votre défense et sur lequel vous devez compter, c'est l'Etat", avait-il ajouté.
Au Burkina Faso voisin, également victime de la violence jihadiste, le gouvernement a formé et équipé les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), supplétifs de l'armée burkinabé."Cela n'a pas stoppé la spirale de la terreur", constate une source sécuritaire nigérienne.
Pour tenter d'empêcher la création des milices et renforcer l'armée, Niamey a lancé une campagne de formation et d'intégration dans la Garde nationale de jeunes des régions touchées par "le terrorisme".
Quelque 500 d'entre eux ont déjà été recrutés dans la région de Diffa, dans le sud-est, théâtre d'attaques du groupe Boko Haram et de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap), 500 autres de la région de Tillabéri et Tahoua devant l'être prochainement, selon un proche du président.
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