Eswatini: la monarchie s'efforce d'étouffer un ressentiment qui frémit

Infos. Depuis plusieurs générations, la famille de Raymond cultive du maïs et élève des poulets sur des terres appartenant au roi d'Eswatini, dernier monarque absolu d'Afrique. 

Eswatini: la monarchie s'efforce d'étouffer un ressentiment qui frémit
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Manzini (eSwatini) (AFP)

La semaine dernière, le fils de Raymond, Sibusiso, 17 ans, s'est retrouvé dans une manifestation pro-démocratie alors qu'il allait jouer au foot.Il a reçu dans le dos une balle en caoutchouc de la police qui lui a marqué la chair. 

Comme lui, des douzaines de citoyens d'Eswatini, l'ancien Swaziland, ont été blessés dans la répression des manifestations qui touchent depuis l'été ce petit pays de 1,2 million d'habitants enclavé entre Afrique du Sud et Tanzanie. 

Ouvriers, fonctionnaires, étudiants et même lycéens descendent dans la rue pour exiger des élections directes, une hausse des salaires et la libération de deux avocats, fers de lance du mouvement pro-démocratie, arrêtés en juillet. 

Né à Manzini, la plus grande ville d'Eswatini, le mécontentement a gagné les collines et les campagnes. 

Les nids de poule torturent la petite route asphaltée qui monte de Manzini vers la ferme de Raymond. 

"Beaucoup de gens veulent des réformes démocratiques", note Raymond, 42 ans, qui vit avec sept membres de sa famille dans une petite maison au toit en tôle ondulée. 

"Nous sommes reconnaissants au roi, mais notre vie n'est pas bonne", glisse en siswati Raymond, en claquant nerveusement des doigts devant les poulets qui picorent le sol à ses pieds.

"Peut-être qu'à l'avenir, il nous sera possible d'être dirigés par un président", ose-t-il dans un mélange d'inquiétude et d'excitation. 

- Rolls et BMW -

Près de 60% de la population d'Eswatini vit sous le seuil de pauvreté.La plupart des gens galèrent toute la journée pour survivre, entre le manque de travail, des années de marasme économique et le sida qui continue de dangereusement rôder. 

La pandémie de Covid n'a fait qu'aggraver la situation. 

Le roi Mswati III, qui a succédé en 1986 à son vénéré père Sobhuza II, est accusé de drainer toute l'économie publique. 

A 53 ans, son salaire, payé par le gouvernement, serait de 60 millions de dollars annuels, selon les informations qui circulent à Manzini. 

Il possède des parts dans toutes les grandes entreprises du pays - et notamment dans un des plus gros producteurs de sucre d'Afrique - et avait provoqué un scandale en 2019 en offrant des BMW et des Rolls Royces à ses quinze épouses. 

Les Swazis "ne peuvent pas élire le gouvernement de leur choix", constate Wandile Dludlu, secrétaire général du Mouvement démocratique uni du peuple (Pudemo), le principal parti d'opposition d'Eswatini.

"Ils payent des impôts, mais n'ont pas le droit de demander des comptes", ajoute-t-il dans le bureau clandestin de son parti interdit, dans le noir en raison d'une coupure de courant. 

Au moins 37 personnes ont été tuées depuis l'été au cours des manifestations qui ont été officiellement interdites par le palais royal la semaine dernière. 

Pourtant, jeudi un petit groupe d'ouvrières du textile se sont rassemblées nerveusement devant un supermarché de Manzini, parapluies en main pour affronter une fine pluie. 

Les syndicats avaient appelé à une grande manifestation, mais la météo et la peur de la répression en a dissuadé beaucoup. 

Des policiers étaient à tous les coins de rue, matraque à la ceinture.Certains portaient des fusils, d'autres des boucliers anti-émeutes.Des soldats patrouillaient dans des véhicules militaires. 

En t-shirts et casquettes rouges aux couleurs du syndicat, les manifestantes ont lancé quelques slogans sous l'oeil suspicieux des policiers avant de se disperser sans problème. 

Mswati "se fout de nous", lâche Jabu Chauca, 49 ans, qui élève trois enfants avec 130 dollars par mois. 

Dans son costume traditionnel, montre en or au poignet, le Premier ministre adjoint Themba Masuku assure pourtant que le roi Mswati va s'occuper de ces problèmes en janvier à la fin de sa retraite annuelle de trois mois. 

"Je serais assez d'accord avec ceux qui pensent qu'il y a un besoin de quelques changement", assure-t-il à l'AFP dans son bureau de la capitale Mbabane, près de Manzini.

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