La Cédéao avait condamné le jour même le putsch mené dimanche par le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, contre M. Condé, 83 ans, vétéran de la politique ouest-africaine, exigeant sa libération et le "retour à l'ordre constitutionnel" dans ce pays pauvre mais regorgeant de ressources minières, notamment de bauxite.
La délégation de la Cédéao, composée des ministres des Affaires étrangères de quatre pays et du président de la commission de la Cédéao, Jean-Claude Kassi Brou, est arrivée en fin de matinée à l'aéroport de Conakry à bord d'un avion de la république du Ghana, qui assure la présidence tournante de l'organisation régionale.
Son arrivée a coïncidé avec l'annonce par l'UA de la suspension de la Guinée de ses instances, comme l'avait déjà fait la Cédéao mercredi lors d'un sommet par visioconférence.
Les dirigeants ouest-africains ont "exigé le respect de l'intégrité physique du président Alpha Condé", sa "libération immédiate", ainsi que "le retour immédiat à l'ordre constitutionnel".Aucune sanction économique n'a été évoquée.
La ministre ghanéenne Shirley Ayorkor Botchwey est accompagnée, outre du président de la Commission, de ses homologues nigérian Geoffrey Onyeama, burkinabè Alpha Barry et togolais Robert Dussey.
La Cédéao se retrouve dans une situation comparable à celle qu'elle a connue lors d'un putsch similaire au Mali voisin en août 2020.Elle avait alors pris des sanctions essentiellement économiques et suspendu le pays de l'organisation.
Ces sanctions avaient été levées à la suite de l'engagement des militaires maliens sur la voie d'une transition de 18 mois maximum pour rendre le pouvoir à des dirigeants civils issus d'élections.Mais la Cédeao a exprimé des inquiétudes croissantes sur le respect de ces échéances.
- "Mettre cette démocratie à terre" -
Comme au Mali, les militaires guinéens peuvent se prévaloir d'une certaine popularité, comme en attestent les manifestations de sympathie qui ont éclaté dans différents quartiers de Conakry, encore alimentée par la libération mardi d'un premier groupe de dizaines d'opposants au régime déchu.
Ils ont justifié leur coup de force par la nécessité de mettre fin à "la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique" ainsi qu'au "piétinement des droits des citoyens".
Les militaires réunis au sein d'un Comité national du rassemblement et du développement" (CNRD)" ont dissous le gouvernement et les institutions et aboli la Constitution qu'avait fait adopter M. Condé en 2020 et qui avait ensuite invoqué ce changement de loi fondamentale pour se représenter après deux mandats, malgré des mois de contestation réprimée dans le sang.
Ils ont promis une "concertation" nationale en vue d'une transition politique confiée à un futur "gouvernement d'union nationale", sans autre précision, notamment en termes de calendrier.Aucune information n'a été fournie sur Alpha Condé, sinon qu'il était en bonne santé et bien traité.
Aucun décès lié au putsch n'a été rapporté officiellement.Mais des médias guinéens ont fait état d'une dizaine à une vingtaine de morts dans les rangs de la garde présidentielle, des informations invérifiables faute d'accès aux hôpitaux.Les photos et noms d'au moins une dizaine de victimes, accompagnés de messages de condoléances, circulaient sur les réseaux sociaux.
Parmi ses dernières décisions, le CNRD a annoncé jeudi soir le gel temporaire des comptes bancaires des établissements publics à caractère administratif et commercial, ainsi que des anciens membres du gouvernement, préalablement écartés au profit des secrétaires généraux de chaque ministère.
De leur côté, certains partisans de M. Condé laissaient percer leur amertume.
"La Guinée s'est battue toujours pour la démocratie et la démocratie étant vraiment instaurée, en un seul jour les militaires sont venus vraiment mettre cette belle démocratie à terre", a déclaré à l'AFP Victor Léno, enseignant et membre de la jeunesse de l'ex-parti au pouvoir.
Un membre de la cellule de communication du parti, Mahmoudou Traoré, a pour sa part incité à la vigilance envers les militaires, citant l'exemple d'autres pays.Selon lui, "quand les militaires disent +nous venons pour un petit temps+ ils vont faire plus de 5, 6 ou 7 ans" au pouvoir.
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