La Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye doit rendre mardi son verdict sur ce différend qui envenime depuis des années les relations des deux voisins de la Corne de l'Afrique.
. Souveraineté, pêche et hydrocarbures
La Somalie, à l'initiative de cette procédure devant la Cour internationale de justice (CIJ), estime que cette frontière devrait s'étirer en direction du sud-est, dans le prolongement de la frontière terrestre entre les deux pays, selon une ligne médiane conforme au principe international de l'équidistance.
Le Kenya revendique, lui, pour délimitation une ligne droite horizontale partant du point de frontière côtier (dans la localité de Kiunga) en direction de l'est.Nairobi rappelle régulièrement exercer sa souveraineté dans cette partie de l'océan depuis 1979, lorsque le pays a proclamé les limites de sa zone économique exclusive (ZEE).
Une ZEE, qui s'étend jusqu'à 200 milles marins au large des côtes, définit un espace maritime sur lequel un État dispose de droits souverains pour l'exploitation des ressources.
Outre une question de souveraineté, l'enjeu est une zone maritime de plus de 100.000 km2, potentiellement riche en pétrole et gaz.Nairobi y a notamment accordé trois permis d'exploration pétrolière à la compagnie italienne ENI, contestés par la Somalie.
Il existe aussi un enjeu économique local côté kényan, car une redéfinition de la frontière en faveur de la Somalie amputerait les zones de pêche situées près de la frontière, notamment aux environs de Lamu (est).
. Une procédure qui s'éternise
Les deux pays étaient convenus, dans le cadre d'un mémorandum en 2009, de régler le différend par des négociations bilatérales.
Deux rencontres se sont tenues, en mars et juillet 2014, sans réelles avancées.Une troisième, prévue en août 2014 à Mogadiscio, a tourné court: la délégation kényane ne s'est pas présentée, sans en informer ses homologues somaliens, invoquant a posteriori des raisons de sécurité.
Estimant que "les négociations diplomatiques (...) n'ont pas permis de résoudre leur désaccord", la Somalie a saisi le 28 août 2014 la CIJ, plus haute instance judiciaire de l'ONU.
Le Kenya a contesté cette saisine, et la compétence de la CIJ, estimant qu'un arbitrage judiciaire ne pouvait intervenir qu'une fois le processus de négociations achevé, ce qui n'est pas le cas selon Nairobi.
La CIJ s'est déclarée compétente en février 2017.
Initialement prévues en septembre 2019, les audiences au fond ont été reportées à trois reprises avant d'être fixées à mars 2021. Le Kenya a alors annoncé qu'il ne participerait pas aux audiences.
Vendredi, quelques jours avant le verdict attendu mardi, Nairobi a déclaré ne plus reconnaître "la juridiction obligatoire" de la CIJ.
. Une source de tensions
Ce différend frontalier envenime régulièrement les relations déjà tumultueuses entre les deux pays.
En février 2019, le Kenya a rappelé son ambassadeur à Mogadiscio, accusant le gouvernement somalien d'avoir mis aux enchères des gisements pétrolifères et gaziers dans la zone contestée.
Le Kenya, touché par plusieurs attentats de grande ampleur sur son sol, avait rappelé le prix payé pour sa participation à la force de l'Union africaine en Somalie (Amisom).
Mogadiscio avait rejeté ces accusations, assurant qu'elle n'entreprendrait "aucune action unilatérale concernant la zone disputée tant que la CIJ n'aurait pas rendu son jugement".
Les présidents somalien Mohamed Abdullahi Mohamed et kényan Uhuru Kenyatta s'étaient rencontrés en novembre 2019 à Nairobi et s'étaient entendus pour "normaliser" les relations.
Mais en décembre 2020, la Somalie avait ensuite rompu ses relations avec le Kenya après la visite à Nairobi du président de la république autoproclamée du Somaliland, considérée par Mogadiscio comme faisant partie de son territoire.
En 2021, le Kenya a annoncé en juin rouvrir son ambassade à Mogadiscio, puis les deux pays ont convenu de "réinitialiser" leurs relations après une rencontre entre le Premier ministre somalien Mohamed Hussein Roble et et le président Kenyatta en août.
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