La demande d'enregistrement des débats a été rejetée lundi lors de la première journée du procès devant le tribunal militaire de Ouagadougou, ensuite ajourné au 25 octobre sur requête des avocats de la défense commis d'office exigeant un délai supplémentaire pour pouvoir mieux étudier le dossier de leurs clients.
En raison de la personnalité de Sankara, leader "révolutionnaire" devenu une icône panafricaine dont l'aura dépasse largement les frontières du Burkina Faso, les avocats des parties civiles, estimant qu'il s'agissait d'un "procès pour l'Histoire" avaient demandé qu'il soit enregistré au nom de "la mémoire", bien que la loi au Burkina interdise la captation des audiences.
Un enregistrement sonore et/ou vidéo n'ayant pas, selon eux, vocation à être diffusé dans les médias, mais à venir alimenter "les archives nationales".
Nombreux sont ceux au Burkina Faso qui auraient pourtant souhaité que ce procès soit filmé, comme le furent ceux des dignitaires nazis à Nuremberg en 1945 ou celui de "l'organisateur de la solution finale" Adolf Eichmann en Israël en 1962.
La France a assoupli en 1985 sa législation interdisant l'enregistrement des procès, laquelle permet désormais, sous conditions, la constitution d'archives audiovisuelles de la Justice.
Cela a permis notamment l'enregistrement des procès pour crimes contre l'humanité du chef de la Gestapo lyonnaise Klaus Barbie en 1987 et du milicien français Paul Touvier en 1994, ou plus récemment celui du Rwandais Pascal Simbikangwa, condamné par la justice française pour sa participation au génocide des Tutsi en 1994.
Autre argument en faveur d'un enregistrement, soulevé par Me Guy-Hervé Kam, un des avocats de la partie civile au procès de l'assassinat de Sankara, "les limites" des prises de notes par le greffe du tribunal.Dans un dossier constitué de 20.000 pièces, "il est impossible au greffe de tout noter", note-t-il.
Or, la précision des témoignages et des débats au procès "est de la plus haute importance" quand viendra le temps des "plaidoiries et des délibérés", selon lui.
- La loi, rien que la loi -
Du côté de la défense, Me Moumouni Kopiho a rappelé que tout enregistrement était interdit par la loi au Burkina."J'ai refusé qu'on déroge à la loi, je n'ai pas refusé qu'on enregistre ce procès".
"Le tribunal n'a pas pour vocation de constituer des archives pour l'Histoire, il est là pour rendre la justice", a-t-il affirmé.La défense estime en outre qu'il n'existe "aucune garantie" qu'un enregistrement soit exclusivement réservé aux seules archives nationales.
Pour Pascaline Zougrana, procureure militaire, "ce procès représente un intérêt évident pour l'Histoire", mais il ne doit pas se transformer en "procès spectacle".Un enregistrement risque selon elle de "porter atteinte à l'intégrité morale des accusés" et à "leur vie privée".
Le président du tribunal, Urbain Méda, a tranché: il n'y aura aucun enregistrement "sous quelle que forme que ce soit".
En revanche, à la reprise du procès, des vidéos d'archives seront diffusées, pour replacer le dossier de l'assassinat de Thomas Sankara "dans son contexte", a-t-il annoncé.
Douze des quatorze accusés étaient présents à l'ouverture du procès lundi, dont le général Gilbert Diendéré, un des principaux chefs de l'armée burkinabè lors du coup d'Etat du 15 octobre 1987 au cours duquel Thomas Sankara a été tué.
En revanche, Blaise Compaoré, porté au pouvoir par ce putsch et qui a dirigé le Burkina pendant 27 ans, en était le grand absent: il vit en exil en Côte d'Ivoire - pays dont il a obtenu la nationalité - depuis sa chute en 2014 et n'a pas voulu se présenter à "un procès politique" devant "une juridiction d'exception", selon ses avocats.
Le tribunal militaire qui juge les assassins présumés de Thomas Sankara est présidé par un magistrat civil, assisté d'un conseiller également civil, de trois assesseurs militaires tirés au sort et d'une procureure de l'armée.
La désignation des assesseurs militaires faisant office de jurés, a occupé une grande partie de la première journée du procès, nombreux préférant se récuser, prétextant d'autres fonctions essentielles au sein de l'armée ou leur proximité avec les accusés, tous anciens militaires.
Ce qui a fait dire au président Méda quelque peu excédé: "J'ai l'impression que personne ne veut monter dans ce dossier".
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