La mâchoire se referme sur la petite boule de chocolat fondu.Et le gingembre éclate en bouche.Un délice.Vite, un autre ! Café, poivre, fleur de sel...Et le noir surtout, au plus près du goût pur et intense des fèves de cacao récoltées sur ses plantations de l'île de Principe.
Premier producteur de cacao à la fin du 19e siècle, le petit archipel lusophone a perdu dans la deuxième moitié du 20e siècle la quasi-totalité de sa production.Aujourd'hui, quelques entrepreneurs redonnent vie à la filière en misant sur un chocolat haut-de-gamme.
"Miser sur la qualité, c'est la seule option pour survivre", explique à l'AFP Jean-Rémy Martin, un Français qui a repris il y a une dizaine d'années une ancienne plantation à l'agonie dans le nord de l'île de Sao Tomé, à Diogo Vaz, et qui a créé avec son fils sa marque de chocolat du même nom.
Sur les pentes d'un ancien volcan surplombant l'Atlantique, le cacao, issu des anciens plants importés par les Portugais au 18e siècle, se développe sous une canopée de 420 hectares au cœur d'une nature luxuriante.La mécanisation est impossible.Et le sol, fertile, ne nécessite ni engrais ni pesticides.
"Malgré notre certification bio, la seule culture du cacao ne permettait pas de couvrir les charges", raconte M. Martin."Pour garantir la durabilité de notre activité, nous devions conserver la valeur ajoutée de l'arbre jusqu'à la commercialisation de la tablette, et assumer 100% de la transformation en interne".
"Nous sommes ainsi passés du régime de monoculture réduit à la fixation des cours du cacao par les acheteurs mondiaux, à la maitrise totale de nos prix et de la valorisation de notre cacao dans la chaine de valeur", poursuit-il.
Depuis, le chocolat Diogo Vaz s'est imposé à l'international, remportant de nombreux prix, et les marges réalisées lors de la transformation et de la commercialisation permettent de renvoyer à la production le soutien nécessaire pour assurer son équilibre.
Aujourd'hui, environ 250 personnes, presque tous Sao-Toméens, sont employées par l'entreprise, qui cherche à diversifier sa production et à répliquer son modèle du cacao pour la culture des fruits et de la vanille, transformant ses produits en pâtisserie ou alcool.
- "Miser sur la qualité" -
Même pari gagnant pour Claudio Corallo.Ce Florentin d'origine, amoureux de l'Afrique et spécialiste du café, a fait figure de pionnier en cherchant à produire un cacao d'excellence à Sao Tomé. Il s'y installe au début des années 90.
"Moi, je n'aime pas le chocolat", déclare-t-il avec malice à l'AFP.Son chocolat est pourtant aujourd'hui reconnu par ses pairs comme un des meilleurs au monde.Sa quête a été de découvrir l'origine de l'amertume du cacao dans ses "laboratoires", sa plantation à Principe et son atelier à Sao Tomé.
Sa philosophie, "n'utiliser que des produits naturels" pour "être en parfaite harmonie avec l'environnement".
Une fois le chocolat prêt pour la dégustation, "la principale difficulté est l'exportation" car les tracasseries logistiques sont monnaie courante dans cette île d'Afrique centrale, située à plus de 300 km des côtes gabonaises du continent.
Le cacao est ancré dans l'histoire de Sao Tomé-et-Principe.A la fin du 19e siècle, l'archipel était le premier producteur mondial avec près de 35.000 tonnes par an. Poussés par le colonisateur portugais, des milliers d'immigrés du Cap-Vert, de l'Angola et du Mozambique sont venus servir de main d'œuvre dans ces plantations dans des conditions très difficiles.
Mais après l'indépendance en 1975, "les Portugais sont partis avec leur savoir-faire, des épidémies ont attaqué le cacao et l'État a redistribué des terres à d'anciens employés sans aucun encadrement.La production s'est effondrée", explique à l'AFP Maria Nazaré Ceita, historienne à l'université de Sao Tomé.
"Toute notre économie s'est assise sur le cacao et toute la population est liée d'une façon ou d'une autre au cacao", résume à l'AFP Carlos Vila Nova, président de la République de Sao Tomé.
"Aujourd'hui, nous avons un savoir-faire qui nous permet de très bien connaitre le produit", souligne-t-il."Dans l'économie mondialisée, il faut lui donner une plus-value.Il faut miser sur la qualité.Grâce à l'extension de la transformation, l'avenir de la filière est de nouveau croissante", estime-t-il.
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