A 29 ans, couronné par plusieurs prix internationaux, il a percé au Cameroun, où il a notamment conçu la mascotte de la prochaine Coupe d'Afrique des nations (CAN) de football organisé en janvier 2022 dans son pays, et commence à se faire connaître à l'étranger.
"Cela n'aurait pu être possible sans le numérique", confie-t-il à l'AFP. De nombreux jeunes artistes camerounais interrogés disent que cet outil leur a permis de se lancer professionnellement et a élargi leur vision du monde.
"Jeune, j'étais passionné de BD.J'adorais dessiner.Mais je ne pouvais pas imaginer faire de cette passion mon métier", raconte Félix Fokoua.Il passe une licence de biochimie et, lorsque sa mère ouvre un cybercafé, il s'inscrit sur Facebook et suit avidement les groupes d'artistes français, américains et japonais, ses premières sources d'inspiration.
Puis il commence à s'intéresser à la création dans son pays.Il dessine, progresse, prend contact avec des créateurs.Pas question encore d'utiliser des tablettes, elles sont quasiment introuvables et coûtent très cher au Cameroun en ce début des années 2010.
- Créer pour divertir -
C'est par un oncle en France qu'il en obtient une.Rapidement, il est recruté par Kiro'o Games, le premier studio de jeux vidéos au Cameroun, à peine créé.Félix apprend à utiliser sa souris et son imaginaire pour créer de nouveaux décors et personnages.
Puis il se met à son compte et se lance dans l'illustration numérique, "avec l'idée de valoriser la culture africaine"."Quand j'ai commencé, on me disait toujours d'aller voir les ONG, d'expliquer le paludisme, le sida, ça m'énervait!Je voulais avant tout divertir", explique-t-il.
Félix Fokoua expose ses œuvres sur la toile, Facebook et Instagram principalement.Il reçoit des commandes privées, très majoritairement de l'étranger.
Il créé aussi une série de "stickers" numériques représentant la culture camerounaise pour les messageries instantanées Whatsapp et Telegram. Petit à petit, son réseau s'élargit, ses gains augmentent et de grandes entreprises africaines comme les groupes de télécommunications MTN et Camtel, ou la plateforme de commerce en ligne Jumia, font appel à lui.
"En Afrique, les artistes ont tout à créer avec de nouvelles règles, un monde à réinventer, une nouvelle culture à développer", s'enthousiasme-t-il.
Pour Nicanor Tatchim, enseignant-chercheur à l'université de Lille (France), "un nouveau modèle économique est en train d'émerger" avec "de nouvelles pratiques digitalisées de production, diffusion et +publicisation+ de contenus".
Pourtant, "les autorités au Cameroun ont inscrit le numérique dans le champ du développement industriel" au détriment de l'industrie culturelle, analyse M. Tatchim."La preuve: la question de l'innovation numérique est portée par le ministère des Postes et télécommunications et non le ministère des Arts et de la Culture".
- Avenir prometteur -
Hugues Bertrand Biboum, directeur artistique de Waanda Stoudio, un studio de création graphique et d'édition à Yaoundé, admet que "la transformation du secteur est très favorable" et que la "demande internationale augmente" pour les produits numériques africains.Mais il déplore aussi le manque d'intérêt et d'accompagnement du gouvernement.
"L'avenir du secteur est prometteur", renchérit Olivier Madiba, fondateur et directeur de Kiro'o Games, basé dans la capitale."Mais le Cameroun a un énorme retard technique et humain pour réaliser des œuvres à la hauteur des exigences du spectateur".
"Netflix ou Disney se rendent compte que l'avenir de l'expansion du streaming est en Afrique.Ils ont donc intérêt à avoir du contenu ciblé pour le public local.Mais il faudra être capable de livrer la qualité que ces entreprises exigent", plaide M. Madiba.
"Le numérique et la créativité sont les maîtres-mots de l'avenir, en particulier en Afrique, qui amorce sa phase de développement économique", abonde M. Tatchim.
Or, le Cameroun, dirigé par l'inamovible Paul Biya, 88 ans dont près de 39 ans au pouvoir, "est pris en tenaille entre les injonctions à la numérisation de l'économie de la part des institutions et les réalités sociopolitiques" du pays, selon lui.
En 2017, les autorités avaient notamment coupé internet plusieurs mois dans les régions anglophones du Cameroun, qui abritent de nombreuses start-up du numérique, pour contenir la crise séparatiste qui a dégénéré en un conflit ayant fait depuis quatre ans plus de 3.500 morts.
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