Le président Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, et son Premier ministre Mohamed Hussein Roble se livrent depuis près de deux semaines à une escalade inquiétante dans ce pays de la Corne de l'Afrique rongé par une impasse électorale récurrente et une insurrection jihadiste qui dure depuis 2007.
Dans une nouvelle confrontation, le chef de l'Etat a annoncé jeudi qu'il retirait au Premier ministre ses "pouvoirs exécutifs", et "notamment ses pouvoirs de destitution et de nomination".M. Roble a rejeté cette décision qu'il juge inconstitutionnelle et demandé à Farmajo de respecter la séparation des pouvoirs, de "cesser de violer la Constitution" et "de saboter le fonctionnement du gouvernement".
Vendredi matin, les chef des cinq régions somaliennes ont publié un communiqué commun, se disant "préoccupés" par ce conflit au sein des institutions fédérales "qui ne sert pas l'intérêt public, conduit à l'insécurité et à l'instabilité politique".
Ils ont appelé les deux dirigeants "à cesser d'échanger des communiqués", à "ce que tous les conflits soient résolus par (la) médiation" et à ce que "la Constitution (...) soit respectée".
Les présidents des Etats du Jubaland, du Galmudug, de l'Hirshabelle, du Puntland et du Sud-Ouest demandent aussi aux "commissions électorales indépendantes d'accélérer le processus électoral".
- Guerre de nominations -
La rivalité entre Farmajo et M. Roble va croissant ces derniers mois.
Ce dernier épisode de tension se cristallise autour de limogeages et nominations au sein de l'appareil sécuritaire, après une enquête controversée de l'Agence des services de renseignements et de sécurité (Nisa) sur la disparition d'une de ses agentes, nommée Ikran Tahlil.
Le 5 septembre, Mohamed Roble avait limogé le chef de la Nisa Fahad Yasin, un intime de Farmajo, jugeant "pas convaincante" l'enquête sur la disparition d'Ikran Tahlil, dont les conclusions mettent en cause les islamistes shebab.
Le chef de l'Etat avait annulé cette décision "illégale et inconstitutionnelle", puis nommé un remplaçant de son choix après avoir promu Fahad Yasin conseiller à la sécurité nationale.
Après avoir accusé le président d'"entraver" l'enquête et jugé que ses décisions constituaient une "menace existentielle dangereuse" pour le pays, le Premier ministre avait annoncé la semaine dernière le remplacement du ministre de la Sécurité.Le président avait également jugé cette décision non conforme à la Constitution.
Cette énième crise au sommet du pouvoir vient menacer le fragile processus électoral, relancé depuis mai par Mohamed Roble.
Président depuis 2017, Farmajo a vu son mandat expirer le 8 février sans avoir pu s'entendre avec les dirigeants régionaux sur l'organisation d'élections, déclenchant une grave crise constitutionnelle.
L'annonce mi-avril de la prolongation de son mandat pour deux ans avait provoqué des affrontements armés à Mogadiscio, ravivant le souvenir des décennies de guerre civile qui ont ravagé le pays après 1991.
- Elections en retard -
Dans un geste d'apaisement, Farmajo avait chargé M. Roble, son Premier ministre depuis 2020, d'organiser les élections.Ce dernier est parvenu à un accord sur un calendrier électoral, avec pour horizon une élection du président le 10 octobre.
Mais ce processus a déjà pris du retard.La désignation des membres de la Chambre basse, dernière étape avant l'élection du chef de l'Etat selon le complexe système électoral indirect somalien, doit désormais se tenir entre le 1er octobre et le 25 novembre.
Ce conflit au sommet du pouvoir affaiblit également le fragile gouvernement fédéral, soutenu à bout de bras par la communauté internationale, dans sa lutte contre les shebab qui mènent une insurrection dans le pays depuis 2007.
Les autorités fédérales ne contrôlent qu'une faible portion du territoire, avec l'aide cruciale des quelque 20.000 hommes de la force de l'Union africaine (UA), l'Amisom.
Bien qu'évincés de Mogadiscio par l'Amisom en 2011, les shebab contrôlent de vastes zones rurales et mènent régulièrement des attentats dans la capitale.
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