Le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed, plus connu sous le surnom de Farmajo, et le Premier ministre, Mohamed Hussein Roble, se défient de plus en plus durement, faisant craindre pour le fragile processus électoral en cours.
Jeudi, Farmajo a annoncé qu'il retirait au Premier ministre ses "pouvoirs exécutifs", une décision que ce dernier a rejetée, l'estimant inconstitutionnelle.
Ces dernières semaines, les deux hommes se sont opposés au sujet de limogeages et de nominations de dirigeants dans l'appareil sécuritaire, dont le directeur de l'Agence des services de renseignements et de sécurité (Nisa) Fahad Yasin, limogé début septembre par M. Roble.
M. Yasin, intime de Farmajo qui l'a depuis nommé conseiller à la sécurité nationale, s'est retrouvé vendredi au coeur d'une controverse entre la Somalie et Djibouti.
"La République fédérale de Somalie condamne la détention illégale du conseiller à la sécurité nationale de M. Farmajo par les autorités djiboutiennes à l'aéroport de Djibouti", a écrit en début d'après-midi sur Twitter Abdirashid Hashi, un porte-parole du président.
Dans un communiqué, le bureau de M. Farmajo a précisé que M. Yasin était détenu avec d'autres responsables l'accompagnant et que Djibouti était responsable de "toute menace à leur sécurité personnelle".
Le ministre djiboutien des Affaires étrangères a réagi en qualifiant de "fake news" ces informations destinées à "créer de la confusion et entraîner Djibouti dans les problématiques et crises internes de la Somalie".
Mahmoud Ali Youssouf a ajouté qu'un vol Turkish Airlines à destination de Mogadiscio n'avait pas décollé vendredi de Djibouti car "un des pilotes n'était pas autorisé à atterrir en Somalie", et que tous les passagers "repartiront" à Istanbul.
- Appel à la médiation -
Vendredi matin, face aux tensions croissantes des derniers jours, les chef des cinq Etats semi-autonomes qui constituent la Somalie ont appelé le président et le Premier ministre à discuter et à résoudre leur différend par la "médiation".
Dans un communiqué commun, ils se sont dits "préoccupés" par ce conflit au sein des institutions fédérales "qui ne sert pas l'intérêt public, conduit à l'insécurité et à l'instabilité politique".
Ces personnages-clés du système politique somalien ont appelé les deux dirigeants à "ce que tous les conflits soient résolus par (la) médiation" et à ce que "la Constitution (...) soit respectée".
Les présidents des Etats du Jubaland, du Galmudug, de l'Hirshabelle, du Puntland et du Sud-Ouest demandent aussi aux "commissions électorales indépendantes d'accélérer le processus électoral".
La rivalité entre Farmajo et M. Roble vient menacer le processus électoral, relancé depuis mai par le Premier ministre.
Président depuis 2017, Farmajo a vu son mandat expirer le 8 février sans avoir pu s'entendre avec les dirigeants régionaux sur l'organisation d'élections, déclenchant une grave crise constitutionnelle.
L'annonce mi-avril de la prolongation de son mandat pour deux ans avait provoqué des affrontements armés à Mogadiscio, ravivant le souvenir des décennies de guerre civile qui ont ravagé le pays après 1991.
Dans un geste d'apaisement, Farmajo avait chargé M. Roble, son Premier ministre depuis 2020, d'organiser les élections.Ce dernier est parvenu à un accord sur un calendrier électoral, avec pour horizon une élection du président le 10 octobre.
Mais ce processus a déjà pris du retard.La désignation des membres de la Chambre basse, dernière étape avant l'élection du chef de l'Etat selon le complexe système électoral indirect somalien, doit désormais se tenir entre le 1er octobre et le 25 novembre.
Ce conflit au sommet du pouvoir affaiblit également le gouvernement fédéral, soutenu à bout de bras par la communauté internationale dans sa lutte contre les shebab qui mènent une insurrection dans le pays depuis 2007.
Les autorités fédérales ne contrôlent qu'une faible portion du territoire, avec l'aide cruciale des quelque 20.000 hommes de la force de l'Union africaine, l'Amisom.
Bien qu'évincés de Mogadiscio par l'Amisom en 2011, les shebab contrôlent de vastes zones rurales et mènent régulièrement des attentats dans la capitale.
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