Raila Odinga, inusable vétéran de la politique kényane

Infos. Raila Odinga, candidat pour la cinquième fois, à 76 ans, à la présidence du Kenya, est une figure historique de la politique kényane, qui a incarné durant des décennies l'opposition avant de se rapprocher du pouvoir en place.

Raila Odinga, inusable vétéran de la politique kényane
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Nairobi (AFP)

Son charisme et sa détermination ont fait l'admiration de ses partisans qui l'ont surnommé "Baba" ("papa" en kiswahili).

Dès le début de son engagement en politique au début des années 80, Raila Amolo Odinga a fait preuve d'une ténacité qui ne l'a jamais quitté.

Il a payé son opposition au régime de parti unique par près de huit ans de détention, sans procès.Il entrera au Parlement à l'occasion des premières élections multipartites de 1992.

Candidat à la présidence en 1997, 2007, 2013 et 2017, il a à chaque fois été déclaré perdant, et a à chaque fois dénoncé des fraudes.Mais il a persisté.

Lors des deux derniers scrutins, après cinq années passées en tant que Premier ministre (2008-2013), il était l'adversaire d'Uhuru Kenyatta, avec qui la rivalité est historique.

Son père, Jaramogi Oginga Odinga, fut le grand perdant de la lutte pour le pouvoir après l'indépendance du Kenya en 1963, au profit du premier président Jomo Kenyatta...père d'Uhuru.Odinga père fut brièvement le vice-président de Kenyatta père (1964-66), avant de devenir son principal opposant.

En 2017, Raila Odinga a fait invalider le scrutin, une première sur le continent, à la fureur d'Uhuru Kenyatta, arrivé en tête.Ce dernier sera réélu quelques semaines plus tard, lors d'un nouveau vote boycotté par Odinga.

Contestant la légitimité du chef de l'État, il s'était fait symboliquement investir "président du peuple".

Mais aujourd'hui, pour de nombreux Kényans, Raila Odinga n'est plus le challenger du pouvoir.

- "Handshake" -

Son image d'éternel opposant a été écornée par le rapprochement qu'il a amorcé avec Uhuru Kenyatta il y a quatre ans.

Après les affrontements post-électoraux de 2017 qui ont fait des dizaines de morts, les deux hommes se sont réconciliés, à la surprise générale, lors d'une poignée de main restée célèbre sous le nom de "handshake" en mars 2018.

Ils ont ensuite porté ensemble un projet de révision constitutionnelle, le "Building Bridges Initiative" (BBI), qui prévoyait notamment d'élargir l'exécutif, en créant entre autres un nouveau poste de Premier ministre.

Certains y ont vu un pacte permettant à Odinga d'accéder au pouvoir et à Kenyatta d'y rester: Kenyatta lui assurerait le soutien du parti présidentiel pour l'élection de 2022 -à laquelle il n'a pas le droit de briguer un troisième mandat- en échange d'un poste de Premier ministre.

"De la propagande colportée par des intrigants", a balayé Odinga dans une interview à l'AFP en septembre.

Le processus du BBI est en suspens, jugé illégal par deux tribunaux et désormais entre les mains de la Cour Suprême, qui doit se prononcer à une date encore inconnue.

"Raila est tout à fait conscient qu'une grande partie du soutien dont il bénéficie est dû au fait qu'il est une figure anti-establishment depuis si longtemps", explique à l'AFP Gabrielle Lynch, professeur à l'Université de Warwick (Grande-Bretagne): "Le +handshake+ a sapé ce récit".

"Il a beaucoup de confiance à reconstruire, notamment dans son propre camp", confirme l'analyste politique kényane Nerima Wako-Ojiwa.

- "Le mystérieux" -

Aujourd'hui, la figure de l'opposant est paradoxalement incarnée par le vice-président William Ruto, qui se présente en défenseur des "débrouillards" du petit peuple face aux dynasties politiques incarnées par Odinga et Kenyatta.

Surnommé "Agwambo" ("le mystérieux") dans sa communauté Luo, Raila Odinga est un homme de contradictions.

Quand il lit un discours en anglais préparé à l'avance, ce père et grand-père bute sur les mots, se trompe dans les chiffres.Mais sur un podium, sans notes, il multiplie les bons mots en kiswahili, séduit la foule et aligne les arguments qui font mouche.

Ses détracteurs l'ont souvent épinglé comme "socialiste", lui qui a fait ses études d'ingénieur à Leipzig, en Allemagne de l'Est communiste et qui a prénommé Fidel son fils aîné -décédé en 2015- en hommage au révolutionnaire cubain Fidel Castro.

Il se présente lui-même comme un social-démocrate soucieux de rééquilibrer la répartition des richesses dans un pays profondément inégalitaire. 

Dans les faits, il est à la tête d'un solide patrimoine, fruit de sa carrière politique et d'homme d'affaires, dans le secteur de l'éthanol et du pétrole.Son passage au poste de Premier ministre a par ailleurs confirmé qu'il n'avait aucune aversion pour l'économie de marché.

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