"Dors, tu me raconteras demain", lui rétorque-t-elle.C'est ainsi qu'est né The Continent.
Le nouvel hebdo propose une info clairement hiérarchisée et mise en page sur format PDF.Et un plaisir de lecture de journal à l'ancienne: une accrocheuse, brèves, reportages ou entretiens.Sans oublier le quiz, hyper attendu.
Gratuit, il circule uniquement via WhatsApp, la messagerie la plus utilisée en Afrique.
"On s'est rendu compte que nos familles et nos amis nous demandaient, via cette messagerie, de leur servir d'informateur sur le Covid, de confirmer ce qu'ils entendaient, de démêler le vrai du faux", raconte à l'AFP sa distributrice Kiri Rupiah, 34 ans, "la geek de l'équipe".
Un tel déluge d'informations "sur tellement de canaux, tellement de sites, les gens sont perdus.Comment se retrouver dans tout ce bruit?", dit la jeune femme pétillante, tresses et lunettes branchées, sourire égayé par des fossettes.
Un quotidien zimbabwéen, 263Chat, avait ouvert la voie, rappelle Simon, 35 ans, barbe et fines lunettes, qui a installé son bureau dans l'ancienne chambre d'amis.
Tranchant avec la logique éternelle de toute presse qui se respecte, The Continent ne court pas après les lecteurs."On veut des gens impliqués, qui nous connaissent, avec qui on échange en confiance", explique Kiri.
Un prof d'université fait partie de leurs fans de la première heure."Chaque semaine il fait suivre son exemplaire à des dizaines de contacts", qui, parce que le journal est recommandé par lui, vont y jeter un œil et lire.
La rédaction évite ainsi les trolls."J'ai le numéro de chacun de nos près de 17.000 abonnés!", s'amuse-t-elle."L'autre jour, un type m'a envoyé des photos de lui tout nu, erreur d'aiguillage, il s'est confondu en excuses!"
-"Contre la désinformation"-
Entre l'idée initiale et le premier numéro bouclé en avril 2020, deux semaines à peine se sont écoulées, se souvient Simon.
Tout va plus vite grâce à la pandémie.Il recrute trois étudiants en journalisme désœuvrés et paye les premiers pigistes (journalistes rémunérés à la pièce) de sa poche."Au bout de 48 heures, nos contacts ont relayé, on avait mille abonnés", dit-il.
A l'époque, Simon est le responsable des pages Afrique au Mail & Guardian, dynamique hebdomadaire sud-africain, qui l'a soutenu dans cette nouvelle aventure.
Pour financer les maigres frais du nouvel l'hebdo, avec son co-fondateur Sipho Kings, ils cherchent et trouvent des ONG et associations, militant notamment en faveur de la démocratie."Ils nous voient comme un rempart contre la désinformation" et ses effets pervers, estime-t-il.
Fin 2021, ils récoltent quelques milliers de dollars grâce à une levée de fonds auprès du grand public.
Leur frais de fonctionnement sont assurés pour deux ans, affirme Simon.Mais la joyeuse bande de trentenaires, principalement basés en Afrique du Sud, mais aussi à Kampala ou à Londres, fourmille d'idées, d'envies.
"Si on avait un peu plus d'argent, on pourrait faire des choses encore plus marrantes", glisse Simon à l'aube de cette nouvelle aventure grisante.Comme lancer une édition francophone, une évidence en Afrique.Ou en swahili aussi.
En attendant, le rédacteur-en-chef se régale d'avoir déjà publié de vraies bonnes histoires.
Parmi leurs plus beaux succès, un reportage en Tanzanie, dans les cimetières, les hôpitaux, pour raconter le Covid ravageur alors que le président niait son existence.Ou un portrait fouillé de Mike Sonko, sulfureux ancien gouverneur de Nairobi aux méthodes de gangster.
La distribution via WhatsApp, rapide et pratique, protège aussi de la censure, selon Simon Allison.Un gouvernement peut interdire un journal imprimé, fermer un site web."Mais empêcher la circulation de messages envoyés depuis l'Afrique du Sud démocratique, bon courage...", assure-t-il.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.