Deux témoins ont affirmé que l'accusé - qui avait épousé une femme d'origine tutsi - a caché des Tutsi chez lui et les a aidés à fuir les massacres.
Claude Muhayimana, 60 ans et d'origine hutu, est jugé pour "complicité" dans le génocide ayant visé la minorité tutsi, orchestré par le régime extrémiste hutu (plus de 800.000 morts d'avril à juillet 1994 au Rwanda). Il était en 1994 chauffeur d'un hôtel à Kibuye (ouest), sur les rives du lac Kivu.Il est accusé d'avoir "aidé et assisté sciemment" des gendarmes et des miliciens en assurant leur transport sur les lieux de massacres dans l'ouest du pays.
Le procès, prévu jusqu'au 17 décembre, est entré dans sa troisième semaine.
Parmi les auditions de quatre témoins rwandais lundi, trois ont affirmé avoir vu M. Muhayimana transporter des gendarmes ou des miliciens "Interhamwe", bras armés du génocide.
"A Kibuye, il était quelqu'un de gentil, mais au moment du génocide tout a changé", a lancé Uzzias Bailleux, 61 ans, Rwandais résidant en France, qui dit avoir connu M. Muhayimana bien avant le génocide.
M. Bailleux, qui était chauffeur de Clément Kayishema, préfet de Kibuye au moment du génocide, a affirmé avoir démissionné après que le préfet l'eut obligé à passer sur une route "où une quinzaine de cadavres dont une majorité de femmes gisaient" et eut refusé qu'il transporte à l'hôpital quatre de leurs bébés "blessés par des coups de machette".
A propos de M. Muhayimana, Uzzias Bailleux a déclaré: "je lui reproche d'avoir accepté de transporter les assassins, il n'était pas forcé d'obéir"."J'ai refusé de transporter des gens à Bisesero" (où des dizaines de milliers de Tutsi ont été exterminés).
Le témoin dit avoir rencontré M. Muhayimana près du marché d'une localité de la région."Il m'a expliqué qu'il avait déposé les Interhamwe sur les collines de Bisesero".
Lundi matin, Providence Rwayitare, 43 ans, seule rescapée de sa famille, a expliqué être une ancienne voisine de M. Muhayimana à Kibuye."Je le connais très bien".
- "Décontracté" -
"Nous avions déjà connu des problèmes depuis 1990, mais en avril 94, c'est devenu la folie, nos voisins sont devenus nos tueurs", a-t-elle relaté, expliquant que sa tante Eugénie - qui l'élevait avec ses frères et soeurs - était régulièrement arrêtée et interrogée car soupçonnée de soutien à la rébellion tutsi.
Alors qu'elle avait trouvé refuge dans le secteur de l'église de Kibuye et de la guest house du Home Saint Jean, Mme Rwayitare a témoigné avoir vu le 15 avril l'accusé passer "en repérage" selon elle au milieu des Tutsi.
"J'ai vu Claude Muhayimana; il conduisait une camionnette" avec à son bord "l'officier de la police judiciaire" du parquet de Kibuye.
M. Muhayimana "nous a vues et reconnues avec ma petite soeur sur le parking du Home Saint Jean"."Il était décontracté".
Ce même jour, sa tante Eugénie a été arrêtée "par des gendarmes envoyés par le parquet"."Ils l'ont exhibée en pleine rue, puis ils sont allés la tuer devant notre maison et devant tout le quartier".
"C'était comme montrer l'exemple aux gens qui avaient peur de tuer des filles tutsi, cela a libéré quelque chose".Les jours suivants, des massacres effroyables ont eu lieu à l'église, au Home Saint Jean et au stade de Kibuye.
Uzzias Bailleux a déclaré que M. Muhayimana avait "aidé des Tutsi"."Je savais qu'il y avait des personnes qui se cachaient chez lui."
En visioconférence depuis Kigali, Xavera Musengiyaremye (qui est Tutsi), la tante de l'ex-épouse de M. Muhayimana, a affirmé que ce dernier et sa femme avaient caché ses deux enfants dans leur maison à Kibuye, et que le couple avait payé des miliciens qui soupçonnaient que des Tutsi étaient cachés chez eux.
"Claude a fait tout ce qu'il pouvait pour nous, il nous a aidé dans ce qui a fait que nous avons survécu", a-t-elle affirmé.Son mari sera tué en tentant de rentrer à leur domicile.
Elle a ajouté que la famille de M. Muhayimana les a ensuite aidés, elle et ses deux enfants, à fuir au Zaïre par le lac Kivu avec une embarcation.
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