"Il a quitté l'Ouganda", a déclaré à l'AFP Eron Kiiza à propos de M. Rukirabashaija, 33 ans."Il m'a dit qu'il était au Rwanda", puis allait "en Europe", a-t-il ajouté, évoquant notamment l'Allemagne.
Sur Twitter, le général Muhoozi Kainerugaba, fils du président ougandais Yoweri Museveni et l'une des cibles de l'écrivain critique du pouvoir, a toutefois affirmé que ce dernier n'était pas au Rwanda.
A l'étranger, M. Rukirabashaija souhaite faire soigner les blessures infligées lors de sa détention récente, au cours de laquelle il dit avoir été torturé, selon son avocat."Il craint d'être empoisonné", notamment après avoir reçu "des injections de substances inconnues pendant sa détention".
Arrêté le 28 décembre, Kakwenza Rukirabashaija a été inculpé le 11 janvier de "communication offensante" envers Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, et envers le général Kainerugaba, dans une série de publications sur Twitter.
Il y avait notamment qualifié d'"obèse" et de "rouspéteur" de dernier, que beaucoup voient comme le successeur de son père, âgé de 77 ans.
"Je ne sais pas qui est ce jeune homme dont on dit qu'il a été battu!Je n'avais jamais entendu parler de lui avant que les médias ne commencent à le faire" a réagi le général sur Twitter après l'annonce du départ de l'écrivain.
Il a ajouté qu'il venait de parler au président rwandais Paul Kagame et que ce dernier lui avait dit que l'écrivain n'était "pas au Rwanda".
L'écrivain avait été libéré sous caution le 26 janvier, selon son avocat, après avoir été maintenu en détention en dépit d'une décision de justice ordonnant sa remise en liberté.
- "Je ne capitulerai pas" -
Lundi, un haut magistrat ougandais, Douglas Siniza, a annoncé qu'il serait jugé à partir du 23 mars et a refusé d'assouplir les conditions posées à sa remise en liberté, dont l'interdiction de parler à la presse.
Dans un message posté mercredi sur Facebook, l'écrivain s'est adressé au magistrat en le qualifiant de "tête de cochon à lunettes"."Vous êtes une honte!" et "je ne me présenterai plus devant vous, cher lèche-cul de Museveni et Muhoozi".
"Vous permettez l'anarchie.Vous aviez le pouvoir de respecter mes droits et me libérer, plutôt que de minimiser mes requ��tes contre la torture.Ces escrocs ont clairement fait de moi un paria dans mon propre pays", mais "je ne capitulerai pas", a-t-il ajouté.
M. Rukirabashaija était apparu samedi dernier dans un entretien diffusé par la télévision NTV Uganda qui avait montré son dos barré de marques apparemment douloureuses, et des cicatrices sur d'autres parties de son corps."Ils m'ont roué de coups avec des matraques, partout", y déclarait-il.
Il a ajouté avoir été contraint de danser des jours durant aux côtés d'autres prisonniers, ou avoir subi l'injection de force et à plusieurs reprises d'une substance inconnue.Il a également décrit l'usage de pinces pour lui arracher des bouts de chair "sur [ses] cuisses, partout".Avant lui, d'autres dissidents ougandais avaient eux aussi raconté avoir été torturés avec ce genre d'outils.
Ces dernières années ont été marquées en Ouganda par des actes de répression contre des journalistes, des incarcérations d'avocats ou encore par le musellement de dirigeants de l'opposition.
Lundi, l'Union européenne a appelé à une "enquête complète" sur les violations des droits de l'Homme dans le pays, s'inquiétant de "la hausse importante des informations sur des cas de torture, d'arrestations arbitraires, de disparitions forcées, de harcèlement et d'attaques contre des défenseurs des droits de l'Homme, des membres de l'opposition" ou des militants écologistes depuis plus d'un an.
M. Rukirabashaija a publié en 2020 "The Greedy Barbarian" (non traduit en français), roman satirique salué par la critique qui décrit un pays imaginaire gangréné par la corruption.Il a reçu en 2021 le Prix PEN Pinter, attribué chaque année à un auteur persécuté pour avoir exprimé ses convictions.
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