Six millions de jeunes Kenyans arrivent cette année en âge de voter, alors que se profilent le 9 août des scrutins présidentiel et législatif dominés par les thèmes de l'économie et du chômage, auxquels s'ajoute cette année la pandémie de coronavirus.
Mais nombre d'entre eux montrent un intérêt restreint pour la politique, hantée par une élite jugée inapte et corrompue.
"Je ne suis pas vraiment sûre que je vais aller voter", confie à l'AFP Renee Joanne, une étudiante de 22 ans, qui fait la queue pour s'inscrire sur les listes électorales.
"Même si vous votez, les dirigeants restent toujours les mêmes, et je ne pense pas que cela changera cette année", regrette-t-elle.
Ces derniers mois, des analystes ont laissé entendre que le "facteur jeunesse" pourrait être un remède aux politiques souvent toxiques menées au Kenya.
Des observateurs estiment que le vote de 2022 pourrait changer la donne actuelle avec des jeunes moins enclins à s'identifier selon des lignes et appartenances ethniques.
Ils devront peut être patienter.
- Spectacle affligeant -
Un exercice d'inscription de masse à l'échelle nationale pour enregistrer de nouveaux électeurs a donné des résultats peu probants, atteignant seulement 40% de son objectif, selon la Commission électorale indépendante, l'organisme de réglementation des élections au Kenya.
A travers tout Nairobi, des agents électoraux ont attendu des heures pour que de nouveaux électeurs se présentent, comptabilisant parfois une seule personne à l'issue d'une journée entière alors que les centres d'inscription restaient obstinément vides.
Ce terne résultat faisait pourtant suite à des efforts concertés des autorités locales pour motiver de jeunes électeurs potentiels.Les fonctionnaires d'un comté ont même offert aux employés du gouvernement deux semaines de congés afin qu'ils puissent mettre à profit cette période pour encourager des membres de la famille et des amis à s'inscrire.
Les partis politiques ne sont pas en reste.
Ainsi le Parti communiste du Kenya, un nouveau venu sur la scène politique, a même tenté de mobiliser la jeunesse avec une chanson, une sorte de rap de rue, pour l'inciter à voter en août.
"Ils nous ont menti, n'ont jamais fait leur travail.Quand nous mangeons des os, ils mangent la viande.Ils ont du ventre à cause de l'argent qu'ils nous ont volé", rappent les chanteurs, exhortant les jeunes énervés à sortir et à voter.
Mais leur public est indifférent.
Bien que les moins de 35 ans représentent les trois quarts de la population du Kenya, beaucoup pensent qu'ils ont peu de pouvoir pour influencer les résultats électoraux.
- "Echec national"-
L'analyste politique Macharia Munene estime que cette apathie reflète un "échec national" à inculquer un "sens de l'obligation civique" aux jeunes.
"Quand vous regardez le genre de choses que nous enseignons à l'école, il y a peu de choses sur la responsabilité nationale ou l'identité nationale", dit-elle à l'AFP.
D'ores et déjà, la course présidentielle s'annonce comme un duel opposant le vice-président William Ruto et le quadruple candidat à la présidence Raila Odinga.
Ruto a été initialement nommé par le président Uhuru Kenyatta comme son successeur, mais a été écarté après que Kenyatta et Odinga ont forgé une alliance en 2018.
L'homme de 55 ans espère que son parcours marqué par la misère trouvera un écho auprès de la jeunesse kényane, s'affichant comme le porte-parole de ceux qui tentent de joindre les deux bouts dans un pays gouverné par "dynasties".
Les familles Kenyatta et Odinga ont dominé la politique kényane depuis l'indépendance en 1963.
Certains électeurs potentiels disent que l'apathie envers la politique doit cesser si le Kenya veut progresser.
Gideon Ochieng fait partie d'une poignée de personnes qui a ajouté son nom sur les registres électoraux à Kariobangi South la semaine dernière.
"Je ne sais pas ce qu'il est advenu de la jeunesse", dit-il à l'AFP, s'exprimant en sheng, un argot local populaire auprès des jeunes urbains.
"Il y a ceux qui disent que s'inscrire ou voter est une perte de temps (...) certains d'entre eux veulent du changement, mais ils ne veulent pas voter", regrette ce jeune de 25 ans.
Mais changer les perceptions sera une tâche ardue, de nombreux jeunes exprimant un sentiment de désespoir face au monde politique.
Caroline Wanjiru, 25 ans, assure qu'elle avait de grandes attentes lorsqu'elle a voté pour la première fois en 2017.
"Je pensais que les dirigeants apporteraient des changements mais ils m'ont déçue"."Pourquoi voter alors qu'ils voleront encore ?", souffle-t-elle.
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