Comment expliquez-vous cette décision prise par l'un des juges du mécanisme de l'ONU de les renvoyer à Arusha?
C’est relativement simple. Ces hommes ont été acquittés et ont terminé leurs peines à Arusha en Tanzanie où il y a le siège du Tribunal Pénal International pour le Rwanda ( TPIR) . Aucun pays du nord n’accepte l'arrivée de ces personnes, que ce soit la France, le Luxembourg, la Belgique ou le Canada ou encore les Pays-Bas. Alors, l'ONU cherche désespérément une terre d’accueil et finalement au mois de novembre, le Niger a accepté de prendre ces personnes. Les gens ne voulaient pas y aller mais, ils ont accepté ça comme solution de rechange. Ils sont allés là-bas le 5 décembre et environ deux semaines et demi après, ils ont reçu un avis d'expulsion pour des raisons qui sont nébuleuses pour le moins.
Niamey aurait décidé de renoncer à l'accord passé avec le tribunal pour l’accueil de ces derniers à cause des pressions diplomatiques du Rwanda. Est-ce que vous avez ces informations ?
Je n'ai pas les informations précises parce qu’on n’a pas accès exactement à ce qui est diplomatique. Mais les prétentions du Niger peuvent faire risquer à ces hommes des protestations au Rwanda. Et l’ONU qui devait prendre ses responsabilités a décidé de rapatrier ces hommes au siège du tribunal en Tanzanie où certaines personnes ont passé 17 (dix-sept) ans tandis que d’autres ont fait douze ans . Ils vont retourner en Tanzanie de façon temporaire, parce que le vrai devoir de l'occident qui a parrainé et appuyé ce tribunal c'est de reprendre les gens acquittés.
Pour quelles raisons ces pays occidentaux refusent-ils d'accueillir ces anciens dignitaires Hutu alors même que leurs familles sont déjà dans certains de ces pays ?
Il y a différentes raisons. La France dit qu’amener les familles de génocidaires sur leur sol va déranger la paix publique. Je pense que le Conseil d’État français (je n’ai pas le terme exact car je suis canadien québécois) a refusé que certaines personnes aillent en France. D’autres personnes sont frappées avec un refus non expliqué.
Le Canada le refuse parce que le Canada a adopté un décret il y a 25 (vingt-cinq) ans qui dit que toute personne qui faisait partie du gouvernement Habyarimana est présumée génocidaire. Et l'acquittement ne renverse pas cette présomption. Ce sont des concepts juridiques mais, moi je considère que c’est injuste ce que font les pays européens avec le passé colonial que nous connaissons tous. Et maintenant, on est dans un cul-de-sac où ces hommes dignes cantonnés à Arusha dans une maison et ils ne peuvent pas rejoindre les leurs qui les aiment, qui les appuient et qui veulent les voir.
En rappel, il s'agit d'anciens hauts responsables qui étaient en poste pendant le génocide de 1994. Pour certains, ils représenteraient encore une menace. Que répondez-vous à ces craintes ?
Absolument pas. Ce sont maintenant des personnes âgées. Je pense que le plus jeune a 58 ou 59 ans et le plus vieux a 84 ans. Ces hommes n’ont aucun pouvoir aujourd’hui, ce sont des gens retraités, des gens qui méritent d'être au sein de leurs familles, tranquilles, en train de voir leurs enfants, leurs petits-enfants et probablement les arrière-petits-enfants grandir en Europe.
Pour vous, quelle serait la solution à long terme ? Le juge lui-même en annonçant leur rapatriement en Tanzanie, disait que c'est une solution imparfaite et "un problème insoluble".
Je pense que les services d'immigration du Canada, de la France, des Pays-Bas, d’Angleterre devraient ouvrir leurs portes et permettre à ces hommes de rentrer chez eux. Tout le monde parle d'ouverture actuellement mais, ils font preuve de rejet et de discrimination contre ces hommes. Je pense qu'il y en a 5 (cinq) sur les 9 (neuf), ( il y en a un qui est resté en Tanzanie) qui ont été acquittés.
Ils ont subi des procès qui ont coûté des centaines de millions de dollars, qui ont duré 7-8-9 ou 10 ans et ils ont été lavés de toute culpabilité pénale. Mais malgré cela, on ne les laisse pas entrer en Europe. Pour moi, c’est inacceptable de les envoyer au Rwanda qui est un pays à minorité au pouvoir, qui met beaucoup de gens en prison, qui arrête et emprisonne tout opposant. Un pays qui est encore dans une situation de dictature par une minorité.
Décryptage John Philpot
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