Sur les mains mutilées de Chundung Gyang, il ne reste que quatre doigts.Assise sur les gravats d'une maison détruite, cette villageoise de 47 ans raconte la nuit où elle à été attaquée, à la machette.
"Ils ont tué deux de mes enfants, l'un âgé de 11 ans, l'autre de 15 ans", dit doucement l'habitante de Dogo Nahawa, à la périphérie de Jos, dans le centre du Nigeria.
Membre de l'ethnie birom, chrétienne, elle affirme que ses assaillants étaient des Haoussa-Fulani, musulmans.
En janvier 2010, des centaines de personnes ont été tuées dans des heurts entre ces deux communautés, à Jos et dans ses environs.
Des Haoussa-Fulani affirment aussi avoir été attaqués par des Birom, comme à Kuru Jantar 3. De ce village, il ne reste que des ruines où poussent les herbes.
A Dogo Nahawa, des affiches électorales défraîchies pendent sur un pan de mur, dernier vestige d'une maison, derrière Chundung Gyang.Le Nigeria élit un président samedi et des gouverneurs le 26 avril.
Comme tant d'autres, elle espère que les nouveaux dirigeants apporteront enfin une réponse appropriée à la crise complexe qui secoue Jos depuis des années et a fait des milliers de morts.
Un casse-tête à entrées multiples: ethnicité, religion, politique et économie.En dix ans, Jos, ville fleurie entourée d'énormes rochers, a été défigurée par ces violences cycliques.Les deux communautés ont pourtant cohabité dans la paix durant des décennies.
"Personne ne se demandait qui est musulman, qui est chrétien.Aujourd'hui il y a des quartiers où des musulmans ne peuvent pas rentrer et idem pour les chrétiens, car ils craignent de se faire tuer", se désole Moses, un quinquagénaire, chauffeur de taxi.
Jos est située à un carrefour sensible, entre Nord majoritairement musulman et Sud à dominante chrétienne.La dimension religieuse de la crise prend actuellement de l'ampleur mais des représentants des deux communautés assurent que là n'est pas sa cause originelle.
"Je pense que la question fondamentale est +qui possède Jos, qui possède les terres ?+", explique le président régional de l'Association des chrétiens du Nigeria, Phillip Dafes, qui prône l'apaisement.
Les Birom se disent autochtones de ce plateau très fertile où les Haoussa-Fulani sont arrivés plus tard.Selon les Birom, les Haoussa-Fulani revendiquent indûment de plus en plus de droits et de pouvoirs, politiques notamment.
Les Haoussa-Fulani qui affirment avoir fondé la ville, se disent eux victimes de discriminations tant dans l'accès à l'éducation qu'à la propriété foncière."Nous priver de tout cela est une tricherie, une injustice que nous ne pouvons pardonner.C'est la cause du problème", résume l'imam de la mosquée centrale de Jos, Balarabe Daouda."C'est une question politique, pas religieuse".
Des deux côtés, on dénonce le manque d'implication des autorités face à un problème qui s'est envenimé au point que la ville est désormais polarisée.
"Il y a un petit problème du côté du gouvernement, fédéral comme de l'Etat" du Plateau dont Jos est la capitale, affirme Phillip Dafes."Il n'y a pas de volonté politique de gérer vraiment la crise", regrette-t-il.
Des dignitaires des deux confessions ont maintes fois appelé les jeunes au calme.Mais l'on assiste à une escalade de la violence.Les armes à feu remplacent les machettes et les couteaux, et le soir de Noël, plusieurs attentats à la bombe dans Jos ont fait 32 morts.
Chaque attaque, parfois motivée par un vol de bétail, donne lieu à des représailles.Un cercle vicieux désespérant.
Pour Muhammad Shittu, travailleur communautaire haoussa-fulani, la priorité est aussi "que le gouvernement initie un processus de dialogue".
En attendant, 3.500 soldats ont été déployés, qui patrouillent de nuit comme de jour, appuyés par des hélicoptères.La vigilance est accrue les vendredis et dimanches, jours de prières.
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