Qu’est-ce qui est nouveau dans ce phénomène régulièrement observé dans les zones de conflit ?
On sait aujourd’hui qu’à travers le monde, c’est 1 enfant sur 5 qui vit dans une zone de guerre, ce qui est énorme. Même s’il est difficile de donner un chiffre exact, cela fait à peu près 300.000 enfants enrôlés dans les groupes armés. Ce qui est nouveau c’est que le phénomène a été intensifié à cause de la pandémie puisqu’elle a entraîné la déscolarisation de nombreux enfants. Les conséquences économiques de la pandémie ont aussi installé beaucoup d’instabilités et de vulnérabilité des foyers pauvres. L’ONU a noté en effet une augmentation des cas d’enlèvement notamment d’enfants.
Et en deux ans, il y a 70.000.000 enfants de plus qui vivent dans une zone de guerre. Quels sont les facteurs qui expliquent cette augmentation, au-delà de la pandémie ?
On sait qu’il y a eu ces deux dernières années un peu partout dans le monde, à la fois, une intensification des conflits et une multiplication également de conflits à l’intérieur des pays. Quand les familles doivent bouger pour fuir la guerre et se réfugier, les enfants se retrouvent de nouveau plus vulnérables. Puisque les enfants sont souvent séparés de leurs parents dans cette fuite, et parfois, dans les endroits même où ils vont trouver refuge, les enfants et leurs familles qui ont à peine de quoi se nourrir parfois vont être exposés à des promesses fallacieuses par les groupes armés. Ils leur promettent la nourriture, une protection, l’éducation. Donc, la vulnérabilité des enfants est encore plus grande. Vision du Monde et son réseau travaillent d’arrache-pied pour protéger tous ces enfants, garçons et filles.
Et pour le cas du Sahel, est-ce que la fermeture des écoles en raison de l’insécurité ne peut pas aussi expliquer cette augmentation de nombre d’enfants vivants dans les zones de guerre ?
Dans tous les cas, je dis que quand il y a déscolarisation, les enfants en pâtissent. On sait que la déscolarisation va entraîner des phénomènes comme le mariage d’enfants et surtout la conséquence indirecte, l’enrôlement des enfants dans les groupes armés. Et ce sont tant des garçons que des filles. On dénombre à peu près 40% de ces enfants qui sont des filles. Quand elles sont dans ces groupes armés, elles font face à une double peine : elles sont en plus exposées à des violences sexuelles.
Elles sont également utilisées comme des kamikazes pour poser des bombes.
Oui, Vision du Monde alerte en particulier sur la situation des filles qui vont être utilisées comme domestiques, cuisinières ou comme bombes humaines ou épouses de guerre. Quand elles en échappent, elles sont plus traumatisées que les garçons de cette expérience douloureuse dans les groupes armés.
Quelles mesures les autorités de ces pays concernés mettent-elles en place pour protéger les enfants de ces pratiques ?
Les associations essaient d’encourager les États à renforcer les systèmes de protection de leurs enfants, puisque c’est de leurs enfants qu’il s’agit. Cela se fait en s’assurant que tous les protocoles et les réglementations se déroulent bien…
Avez-vous l’impression que les gouvernements font de la protection des enfants dans les zones de conflit une priorité ?
Depuis une vingtaine d’années, il y a globalement un mouvement d’attention qui s’est porté mais qui est largement insuffisant. Il reste encore énormément à faire, 300.000 enfants c’est énorme. Les associations, notamment Vision du Monde interpellent les États pour qu’ils n’attendent pas quand il y a un conflit dans le pays pour penser aux enfants.
L’autre défi, c’est la réintégration de ces enfants soldats qui une fois libérés, sont rejetés par leurs familles et leurs communautés. Ces facteurs ne découragent-ils pas les enfants qui souhaitent quitter les rangs de ces groupes armés où ils ont été enrôlés contre leur gré ?
Malheureusement ce phénomène concerne des enfants dans de nombreux pays. Les enfants ne sont pas forcément au courant de ce qui se passe ailleurs. Dans le travail de prévention que nous menons, c’est un sujet qu’on met en avant. Rejoindre un groupe armé est toujours négatif. Tout ce qui est vengeance et pratique qu’ils ne devraient pas faire, ils les font faire par les enfants pour casser les liens de la famille. Nous faisons tout pour ne pas que les enfants rejoignent ces groupes, mais quand c’est malheureusement le cas, nous essayons de les accompagner dans des centres de réhabilitation ou de réintégration où ils peuvent se reconstruire au niveau psychologique, réapprendre des rudiments scolaires, et apprendre des métiers pour s’insérer dans la société.
Décryptage - Camille Romain des Boscs
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