Pourquoi les députés ont-ils rejeté cette résolution ?
D’abord, il faut évoquer l'histoire. La zone qu’on considère aujourd’hui comme conjointe entre la Guinée Bissau et le Sénégal a été dans les années 80 l’objet de plusieurs désaccords entre les deux pays qui ont fini devant un Tribunal arbitral. Finalement il y a eu un accord. C’est une question très sensible.
Après, il faut noter que le président Embaló a affirmé, il n’y a pas longtemps, qu’il n’existait pas d’accord à propos de l’exploitation du pétrole. Aujourd’hui, on se demande pourquoi l’Assemblée nationale a pris la décision qu’elle a prise. Eh bien, c’est tout simplement parce que notre constitution, précisément l’article 85 dit qu’il appartient à l'Assemblée nationale de ratifier et de donner son accord pour toutes sortes de convention au niveau international, notamment pour l'exploitation des ressources naturelles.
Le président de l'Assemblée nationale s'est lui-même abstenu de voter. Comment expliquez-vous son attitude alors qu'il est lui-même issu de la même famille politique que le président Embaló (le MADEM) ?
Vous savez, peut-être qu’on n’a pas beaucoup d'exemples de personnes dans les dernières situations vécues en termes politiques. Mais aujourd'hui quand on parle d’exploitation des ressources naturelles, ce sont des affaires, des questions qui dépassent les couleurs politiques.
L’ensemble du parlement voire même le peuple bissau-guinéen entier a la même vision concernant cette question d'exploitation des ressources naturelles. C’est dire qu’il faut préserver, qu’il faut qu’une discussion plus élargie soit développée au sein du pays pour que tout le monde comprenne quels en sont les enjeux. Il ne doit pas appartenir à un seul citoyen, quel qu'il soit, de prendre une décision qui concerne tout le peuple bissau-guinéen.
Vous-même en tant que chef du principal parti d'opposition du pays, que savez-vous du contenu de cet accord que certains députés affirment avoir été tenu secret par le président Embaló ?
Ça, ce n’est pas moi qui le dis. Mais voyez, d’un coup, il y a un accord et on demande que l'assemblée se positionne en faveur. C’est la contradiction. Et si les actuelles autorités essaient d'avancer pour un accord, il faut que ça soit à la connaissance des bissau-guinéens, que cela passe par l'Assemblée nationale qui va ouvrir un débat approfondi pour connaitre les contours de cet accord et donner son avis.
Je pense que c'est également de l'intérêt du Sénégal de procéder ainsi et je vois mal un président comme Macky Sall et tout le peuple sénégalais vouloir être mêlés à une situation qui va créer des fissures très profondes dans la société bissau-guinéenne.
L'accord signé en octobre à Dakar établi une clé de partage qui attribue 30% des ressources à la Guinée-Bissau et 70% au Sénégal. Quelle est la clé de partage qui vous paraîtrait la plus juste ?
Ce n'est pas une question de chiffres. Je pense qu’avant d'arriver à la proportion du partage, ce que les bissau-guinéens veulent savoir, c’est le positionnement de la zone qui est en train d’être départagée. Est-ce que nous sommes en train de parler de la zone économique nationale de la Guinée-Bissau ? ou de la plate-forme nationale et continentale de la Guinée-Bissau ? Est-ce qu'on parle de la zone conjointe d'exploitation ? Personne ne le sait. Il faut connaitre les coordonnées. Il faut savoir les dispositifs internationaux qui règlent la liaison entre deux pays qui partagent la même frontière.
Comment appréciez-vous plus globalement l'action du Sénégal en Guinée-Bissau. Est-ce que le président Macky Sall aurait une emprise sur le président Embaló ?
Certainement ! Je ne connais pas deux pays au monde qui partagent les mêmes frontières et qui ne prennent pas de dispositif pour régler… Ce sont forcément des situations sensibles. Quand on regarde le Sénégal, on pense aux grands hommes politiques qui respectent l'état de droit.
On attendait d’eux, des positionnements beaucoup plus distancés et neutres, mais pas de profiter de la situation politique en Guinée-Bissau. Donc cela ne va pas aider à créer une ambiance de confiance entre nos deux pays.
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