"Barkhane est un échec dans la mesure où l'ambition affichée en 2014 lorsqu'il prend le relais de Serval n'a pas été atteint, au contraire" (journaliste)
Infos. Le journaliste, écrivain et spécialiste des questions de sécurité dans le Sahel Seidik Abba, aborde dans son livre « Mali Sahel, notre Afghanistan à nous ? qui vient de paraître , les raisons de l'échec de l'opération française Barkhane au Mali. Il analyse aussi le rôle trouble que joue l'Algérie dans la lutte contre le terrorisme dans le sahel et le désordre organisé des ONG humanitaires qui ne soutiennent pas véritablement les populations
Dansvotrelivrevousrevenezsurles9 ans deprésence delaforcefrançaisebarkhaneauMalipour lutter contre le terrorisme . Aujourd'hui, lesattaquesvontau-delàduMali, touchentle SaheletaussilespaysdugolfedeGuinée.
dansleSahelau-delàduMalisurunterritoirecinqfois plusvastequelaFrance. Et aujourd'huiaufinal, leterrorismeagagnédeuxtiersduterritoiremalienalorsqu'ilétait
golfedeGuinée, puisquecomme on le sait, laCôted'Ivoireaétéattaquétroisfois, le Bénin, troisfoiset leTogoarepousséaumoinsdeuxtentativesd’incursionterroriste. Jepensequ'on peutdirequ'entout casBarkhanen'apasatteintsesobjectifs, et d'ailleursleprésidentMacronlui-mêmeen annonçant ledépartdeBarkhaneduMaliaditqu’onneconsidèrepasqueletravailestachevé, onpartduMaliparcequ'onnes'entendpasavecla junte au pouvoir.
Vousavezentendurécemmentleporte-paroleduchefd'état-majordesarméesfrançaisessurnosantennes, il refusaitdeparlerd'échec. Vous pensezqu'ilyaunegêneouplutôtunembarrasdelapartdesforcesarméesfrançaisesd'admettrequeleursopérationsauMaliaétéunéchec?
Non,je crois que les indicateurs avec lesquels il mesure le succès ne me semble pas les bons , qui suis Sahéliens en sais quelque chose .Les Français disent que Barkhane est un succès parce qu'on a éliminé Abdelmalek Droukdel , parce qu’on a éliminé Abou Walid
Al-Sahraoui, alors qu'au Sahel, lespopulations considèrent que Barkhane n’est pas un succès parce que la menace s’est étendue et parce qu'avec la multiplicité des attaques au quotidien, les populations ne voient pas d'amélioration de leur sécurité.
Donc il y a une différence d'appréciation entre l’armée française qui considère que le succès se mesure à l'élimination de groupes djihadistes ou aux efforts qui ont été faits pour empêcher l'installation du califat comme ils disent, alors que localement les gens mesurent l'échec de Barkhane, ou en tous cas son efficacité, par rapport à l'extension du territoire et par rapport à la multiplication des attaques. Je dois même ajouter qu'aujourd'hui ni Barkhane, ni l’armée locale n'ont pu empêcher la prolifération des terroristes. Jusqu’en 2019, les terroristes s’en prenaient uniquement aux forces de l'ordre, aux symboles de l'Etat et à partir de 2019, ils ont changé de paradigme : ils s'en prennent aux forces de l'ordre mais ils s'en prennent aussi aux populations civiles notamment dans la zone des trois frontières où on a vu à Solhan, en juin 2021,au Burkina Faso, 160 personnes tuées, à Banibangou au Niger, en septembre 2021, une centaine de personnes ont été éliminées par les groupes terroristes.
Dans votre livre,vous révélez que le rôle de l'Algérie dans la lutte contre le terrorisme, l'Algérie qui est un acteur clé ayant négocié les accords de 2015 entre le gouvernement malien et les groupes armés, n’est pas très clair. Pour l’illustration, un chef jihadiste repéré par l'armée française mais finalement laissé en vie à la demande d'Alger.
Il y a une ambiguïté, ce n'est pas un secret de la part de l’Algérie. Dans le livre, j’explique par exemple que l'Algérie n'a jamais coopéré avec le G5 Sahel. Le G5 Sahel a été créé en 2015, à aucun moment, le secrétariat du G5 Sahel n a été invité à une manifestation officielle en Algérie, parce que l'Algérie considérait que le fait de mettre en place le G5 Sahel, à son insu, sans l’associer, était presque une erreur, et donc du coup elle n'a pas participé. Et sur le plan aussi des relations avec les Etats, au Mali on voit beaucoup d'ambiguïtés de la part de l’Algérie qui un jour est médiateur, l'autre jour tolère le groupe terroriste.
On sait parexemple que Iyad Ag Ghaliqui est aujourd'hui le terroriste le plus recherché en tout cas par des forces internationales, se ballade sur la frontière entre l'Algérie et le Mali et l'Algérie a toujours eu une relation assez ambiguë avec lui .
On va terminer avec cet autre élément que vous relevez dans votre livre c'est la multiplicité des acteurs qui interviennent notamment dans l'aspect humanitaire. On voit au-delà de multiples médiateurs ou émissaires nommés par diverses organisations, que les acteurs humanitaires ne feraient pas ce qu'il faut pour soulager les souffrances des populations, chacune a son agenda.
Absolument, c’est ce que j’explique dans mon livre, et je pense que c’est l’un des épisodes les plus intéressants. On parle de 18 milliards d'euros qui ont été investis pour le Sahel mais on ne le voit pas concrètement au Sahel, parce qu' il y a une machine bureaucratique, parce qu'il y a la concurrence entre eux et que finalement personne ne fait rien au profit des populations, les gens font des choses pour leur salaire, pour leur confort, dans leur bureau climatisé à Bamako, à Niamey ou à Ouagadougou, mais les populations n’en voient rien.
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