Bamako a demandé lundi au Danemark de retirer "immédiatement" le contingent d'une centaine d'hommes récemment déployés au Mali pour participer à Takuba, une task force initiée par la France et destinée à accompagner les soldats maliens au combat face aux jihadistes.
Selon le gouvernement malien, dominé par les militaires arrivés au pouvoir à la faveur d'un putsch en août 2020, "ce déploiement est intervenu sans son consentement".
"La junte multiplie les provocations", s'est indignée mardi la ministre française des Armées, Florence Parly, en affirmant sa "solidarité avec nos partenaires danois, dont le déploiement se fait sur une base juridique légale, contrairement à ce qu'affirme aujourd'hui la junte malienne".
"Nous sommes présents via une invitation claire du gouvernement de transition malien (...) avec nos alliés européens, la France en pointe", a de son côté fait valoir le ministre des Affaires étrangères Jeppe Kofod, en marge d'un déplacement à Bruxelles.
Après des restrictions posées dans l'espace aérien malien et la remise en cause des accords de défense liant Bamako à Paris, cette demande de retrait du contingent danois constitue une nouvelle entrave à l'action militaire française et européenne au Mali, forçant Paris à s'interroger sur la voie à suivre avec une junte qui compte se maintenir au pouvoir plusieurs années, et accusée d'avoir ouvert les portes du pays aux mercenaires russes de la société privée Wagner.
Le coup d'Etat lundi au Burkina Faso complique également l'équation pour Paris.Sur les quatre pays du Sahel où est déployée la force antijihadiste Barkhane, trois (Tchad, Mali, Burkina) sont désormais dirigés par une junte militaire.
- "concertation approfondie" -
"Est-ce qu'il faut abandonner la lutte contre le terrorisme?Non, ce combat est essentiel à notre sécurité", a commenté Mme Parly."Mais il est clair également que nous devons nous adapter à un nouveau contexte", a-t-elle souligné en évoquant la lancement d'"une concertation approfondie avec nos partenaires, et notamment ceux de Takuba".
Selon son entourage, la ministre française a multiplié les discussions bilatérales avec ses partenaires européens ces derniers jours.Le ministère italien de la Défense a d'ailleurs confirmé des contacts entre Mme Parly et son homologue Lorenzo Guerini, en évoquant "des discussions collectives entre tous les pays membres de la task Force Takuba sur les conséquences que le niveau d'instabilité a atteint au Mali et son impact sur le plan opérationnel".
De source française proche du dossier, les avis sont partagés entre pays européens en concevant pas de travailler avec la junte et Etats soucieux de ne pas laisser la voie libre à l'influence russe au Sahel.
De fait, l'existence même de Takuba, lancée en mars 2020 par la France pour partager le fardeau avec ses partenaires européens, semble aujourd'hui menacée, alors que la junte multiplie les messages d'hostilité à l'égard de Paris et de ses partenaires, surfant sur un sentiment anti-français croissant dans la sous-région.
Symbole d'une Europe de la défense chère à Emmanuel Macron, Takuba, aujourd'hui forte de près de 900 militaires, risque de disparaître au moment même où Paris avait réussi à convaincre une dizaine de nations de venir l'aider.Le Niger voisin a fait savoir qu'il n'accueillerait pas cette task force.En pleine présidence française de l'Union européenne et à trois mois de l'élection présidentielle française, le revers serait cuisant.
D'autant que le bilan de neuf ans d'intervention est loin est d'être satisfaisant.
Les groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda ont conservé un fort pouvoir de nuisance malgré l'élimination de nombreux chefs.
L'Etat malien, lui, n'a jamais véritablement tenté de s'installer durablement dans les territoires délaissés.Et les violences se sont propagées dans le centre du pays puis au Burkina Faso et au Niger voisins, avant de descendre vers le sud, dans le nord de la Côte d'Ivoire, du Bénin et du Ghana.
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