Beaucoup se signent, une femme en hijab violet incline respectueusement la tête devant la dépouille, un homme joint ses mains devant son masque pour envoyer un baiser, des enfants caressent le cercueil en bois clair du bout des doigts.
Le moment est solennel, l'émotion palpable.
Liz Cowan, une assistante sociale de 65 ans, se souvient qu'enfant, dans son milieu blanc, on l'avait mise en garde contre le prêtre charismatique, lui faisant croire qu'il était "dangereux".
"Il était tellement vilipendé.Ce n'est qu'à l'adolescence que j'ai réalisé que c'était un type bien", se souvient-elle."Le gouvernement de l'apartheid a fait un très bon travail de propagande".
À tout juste cinq mois, Likhanye Mbikwana, une tétine dans la bouche, confortablement emmitouflé dans les bras de sa mère Amanda, est sans doute l'un des plus jeunes dans la file d'attente.
"Quand il sera grand, il verra sa photo en ce jour très important", dit la jeune femme de 29 ans, née tout juste après l'apartheid mais venue se souvenir de Tutu et de "tout ce qu'il a fait pour nous, Africains".
Dans la ville portuaire, où le temps est si changeant que les locaux blaguent qu'on peut traverser les quatre saisons en une seule journée, le soleil est apparu brièvement à l'arrivée du corbillard, avant une petite bruine.
- Le charisme d'Elvis -
"The Arch" avait demandé expressément que sa mort n'occasionne ni ostentation ni dépenses somptuaires.Et pour le cercueil, de choisir le "moins cher possible".
Dans la cathédrale où il a officié une dizaine d'années jusqu'en 1996, un simple bouquet de fleurs blanches est posé sur la boîte toute simple en pin clair, sans poignées dorées, juste un bout de corde de chaque côté pour le porter.
L'actuel archevêque du Cap, Thabo Makgoba, vêtu de pourpre, agite un encensoir en argent, des prêtres récitent une prière.Le cercueil est près de l'autel, où des bougies blanches et de délicats vitraux éclairent un Christ en croix.
La veuve de Tutu, connue ici sous le nom de Mama Leah, et ses enfants sont rassemblés à l'intérieur, à l'écart de la foule et de la presse.
Attendant depuis 5h30 du matin pour faire ses adieux, Joan Coulson, 70 ans, était parmi les premières dans la queue.
Venu des Cape Flats, l'un des quartiers les plus déshérités de la ville, connu pour la violence de ses gangs, elle raconte avoir rencontré Tutu à l'église, alors qu'elle n'avait que 15 ans.Son charisme était comparable à celui d'une rock star, dit-elle, "je le comparais à Elvis Presley".
Tutu, qui adorait blaguer et offrir à tous son rire en cascade communicatif, racontait que si on lui refusait l'entrée au paradis et qu'on l'envoyait à la place "dans un endroit plus chaud", le diable demanderait peut-être l'asile politique à Dieu pour fuir l'agitateur.
Joan Coulson parie qu'il est déjà en train de remuer le Paradis."Saint-Pierre va lui dire "+eh du calme là dedans!+", plaisante-t-elle.
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