En février, à nouveau, un camp de réfugiés situé à Bahrale, dans le nord-est de la région Afar, a été attaqué.Les assaillants étaient, selon des victimes, des rebelles de la région voisine du Tigré, où le conflit a débuté il y a 15 mois.
Au moins cinq personnes ont été tuées et un nombre inconnu de femmes ont été kidnappées.
Ceux qui ont eu la chance de fuir sont maintenant éparpillés à travers l'Afar, perdus dans un pays qu'ils considéraient comme un havre de paix comparé à leur terre natale, avant que n'éclate la guerre.
Pour la première fois à Bahrale, des réfugiés érythréens ont été ciblés en dehors du Tigré, renouvelant les inquiétudes quant à la prise en charge de cette population extrêmement vulnérable.
"Je ne peux insister assez sur le caractère sans précédent de (ce qu'il se passe)", affirme Sarah Miller, membre de l'ONG Refugees International, soulignant "l'échelle et l'étendue" des abus commis contre les Érythréens depuis le début du conflit.
"L'Ethiopie n'est plus un lieu sûr pour les réfugiés érythréens - c'est assez évident".
- "Crimes de guerre" -
La présence de ces réfugiés remonte à plus de vingt ans, les premiers étant arrivés en 2000, vers la fin de la guerre frontalière qui a opposé l'Erythrée à l'Ethiopie.
Avant le début de la guerre au Tigré, quelque 113.000 réfugiés érythréens étaient enregistrés au Tigré et en Afar, selon les Nations unies.
La plupart ont fui le régime autoritaire d'Issaias Afeworki, le président de l'Erythrée, surnommée la "Corée du Nord de l'Afrique" en raison des violations répétées des droits humains dans ce pays.
Le Premier ministre Abiy Ahmed a reçu en 2019 le prix Nobel de la paix en partie pour le rapprochement surprise qu'il a conclu avec M. Issaias, mettant fin à deux décennies d'impasse politique.
Le président érythréen et le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF) restent cependant des ennemis jurés.Les réfugiés érythréens avaient ainsi continué à se sentir en sécurité au Tigré.
Tout a changé lorsque M. Abiy a envoyé l'armée fédérale dans cette région en novembre 2020, et y a reçu l'appui de l'armée érythréenne.
Au début du conflit, deux camps situés près de la frontière ont connu des violences - meurtres, viols et pillages - de la part de rebelles tigréens et de soldats érythréens, ce que l'ONG Human Rights Watch a qualifié de "crimes de guerre évidents". Les deux camps ont finalement été détruits et des milliers de personnes ont été portées disparues.
En juillet, les combats ont touché deux autres camps, plus au sud du Tigré. Depuis, les réfugiés y ont fait face à des pénuries de nourriture et d'aide médicale.Trois réfugiés y ont été tués par des tirs de drones en janvier.
- Pillages, enlèvements -
L'attaque sur le camp de Bahrale a débuté le 3 février, dans le cadre d'une offensive plus large du TPLF en Afar, qui a éloigné un peu plus les espoirs de paix, selon les diplomates.
"Des armes lourdes ont été envoyées dans le camp de réfugiés et les forces tigréennes ont pris le contrôle de la zone.Le même jour, ils ont commencé à piller les biens", se rappelle un survivant dont le témoignage a été recueilli par une agence humanitaire puis transmis à l'AFP.
"Ils ont kidnappé des femmes réfugiées, nous ne savons pas où elles sont", a expliqué cette femme, séparée de sa soeur et de son fils de neuf ans.
Des centaines de réfugiés de Bahrale ont trouvé un nouveau refuge dans la cour de l'hôtel Agda, à Semera, la capitale afar, s'abritant sous des cartons pour échapper au soleil brûlant.
"Pendant trois jours nous n'avons pas eu la moindre nourriture, ni eau, mais parce que nous avions peur nous n'avons même pas pensé à cela", raconte l'un d'eux, Abdu Ahmed à l'AFP.
Un porte-parole du TPLF a qualifié de "mensonges" les allégations selon lesquelles ses troupes avaient attaqué Bahrale.
- "Responsabilité particulière" -
Sur les 34.000 réfugiés enregistrés dans et autour de Bahrale, moins de la moitié – 14.250 – ont pu dernièrement être comptabilisés, a déclaré la semaine dernière à l'AFP le porte-parole de l'agence de l'ONU pour les réfugiés, le HCR, Neven Crvenkovic.
L'Ethiopie dit prévoir de les héberger sur un "site temporaire" à Serdo, à 40 kilomètres de Semera.Mais, ailleurs dans le pays, la lenteur de ces projets a pu être observée.
Des réfugiés ont dit à l'AFP avoir le coeur brisé de devoir fuir Bahrale.
"Si Dieu m'a pris ma famille et ma maison, je n'ai personne vers qui me retourner, je l'accepterai", observe Halima Kedir, qui n'a pu retrouver qu'un seul de ses huit enfants depuis l'attaque.
Pour Mme Miller, de Refugees International, les malheurs des Erythréens illustrent plus largement la difficulté de protéger les civils en temps de guerre.
Le conflit a fait des milliers de morts et, selon l'ONU et les Etats Unis, poussé des centaines de milliers de personnes vers la famine.
"Nous avons une responsabilité particulière envers les réfugiés érythréens (...) qui n'ont personne pour les protéger", conclut-elle.
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