L'Afrique du Sud a lancé dans la nuit de mercredi à jeudi une vaste opération de comptage de sa population qui doit durer un mois, la quatrième depuis l'avènement de la jeune démocratie en 1994, avec des marges d'erreur plus ou moins importantes.
A minuit, 165.000 agents de l'organisme national de statistiques (StatSA) sont partis munis d'un questionnaire exhaustif à la rencontre de ceux présents dans le pays à l'instant T, "sans distinction d'âge, de race, de couleur ou de croyance". Pour la première fois, le recensement se fera aussi en ligne ou par téléphone.
Dans le centre de Johannesburg, quartier symbole de l'insécurité dans ce pays qui bat des records de criminalité, une équipe s'approche de la vingtaine de sans-abris allongés sur un bout de trottoir. "Dans quelle province êtes-vous né?" Pas de réponse."Votre niveau d'éducation?" Nouveau silence.
"A quelle catégorie de population appartenez-vous?" Owen Nkosi, sans-abri de 43 ou 45 ans - il n'a pas vraiment tenu les comptes - secoue la tête d'un air las et se recouche.L'enquêteur coche la case "Noir" sur sa tablette et va tenter sa chance un peu plus loin.
Le dernier recensement en 2011 avait connu de nombreux ratés, une partie des habitants passant sous les radars.En 2016, la population sud-africaine a été estimée à 55,7 millions de personnes.
En 2011, quelque 35.700 sans-abris avaient été recensés, la majorité dans la province dense et urbaine du Gauteng, qui comprend Johannesburg et Pretoria.Loin des 200.000 estimés dans une enquête du Centre de ressources en sciences humaines en 2015.
- "Tout ira mieux" -
Tony Lissaga, 48 ans, est venu du Mozambique il y a quelques années, parce qu'en Afrique du Sud "il y a de l'argent".Mais tout ce qu'il a pu gagner jusqu'à présent se monte à environ 600 rands (35 euros) par semaine pour ses talents de mécanicien, payés au noir.Pas de quoi financer un loyer.
Dans ce coin qui sent l'urine et la crasse, il déclare comme un principe ne pas boire d'alcool.Mais il fume un peu d'herbe."C'est difficile, j'ai besoin de quelque chose pour oublier".
"Une fois qu'ils sauront que nous sommes là et que nous avons besoin d'aide, tout ira mieux", espère-t-il le regard au loin. L'homme allongé à côté de lui fait machinalement claquer un bout de chiffon sur ses épaules, l'endroit est infesté de moustiques.
La police ne les déloge pas."Qu'est-ce qu'on peut faire?Le poste est juste au coin de la rue mais on ne peut pas tous les accueillir.Ils sont tellement nombreux dans les rues de Johannesburg", lâche un policier chargé de s'assurer que le recensement se passe sans encombre.
A quelques mètres, un homme qui s'est dévêtu pour la nuit se trouve en caleçon en pleine rue.Il secoue une couverture crasseuse et fait son lit de fortune.
Installés au bord de la route, certains se barricadent derrière des charriots, d'autres s'enfoncent dans un barda de sacs et d'ordures qu'ils revendront au recyclage contre un peu d'argent.
"Je n'ai aucune intimité, pas d'endroit pour me laver, c'est pas une vie", dit Masechaba Thebe."Ils nous ont déjà comptés avant, ça n'a rien changé", peste-t-elle en tirant sur sa cigarette.En quelques mots, elle raconte son parcours: des parents morts trop tôt, un petit-ami lassé qui la met à la porte, la rue.
Passant comme une ombre, Xolani Gcobo, qui sillonne depuis 14 ans les rues de Johannesburg, ancienne ville minière surnommée "la cité de l'or", lance un oeil mauvais au spectacle qui a ameuté une poignée de responsables politiques et des caméras.
"C'est ça, +Fièrement sud-africain+", lance-t-il l'haleine chargée d'alcool, riant amèrement d'un slogan national.
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