« Blues démocratique » est votre dernier livre et vous y expliquez pourquoi même les démocraties occidentales apparemment solides sont en crise. Emmanuel Macron, Marine le Pen, c’est l’affiche du second tour de la présidentielle en France et c’était la même il y a cinq ans. ….
Le premier constat qu’on peut faire c’est qu’il y a désormais deux confirmations. La première, c'est que le paysage politique français est fortement dominé par l'extrême-droite. Et on constatait cela depuis déjà plusieurs années. Depuis 2002, l’extrême droite n’a pas cessé de progresser. Trois candidats dominent le paysage politique français : Marine Le Pen, Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan. La deuxième confirmation c’est la ruine des partis traditionnels de gouvernement, le parti socialiste et les Républicains dont les deux candidats (Anne Hidalgo et Valérie Pécresse) ont fait des scores absolument désastreux.
Ces scores confirment un peu plus encore le déclin commencé depuis plusieurs années des partis traditionnels de gouvernement. On aboutit à une fin de cycle. La question est de savoir si le paysage français sera capable de se transformer et de se réinventer au bout de cette transition qui a commencé en 2017 avec Emmanuel Macron. A quel prix ? Et quel sera le visage de ce paysage au bout de ce processus ?
Vous parlez de paysage politique dominé par l'Extrême droite. Le taux d'abstention de 26% observé lors de ce premier tour ne vient-il pas relativiser votre analyse voire vos craintes ?
L’abstention est l’un des symptômes de la crise du système démocratique en France depuis plusieurs années. L’abstention avait été l’un des facteurs qui ont provoqué le séisme en 2002. Ce séisme traumatisant où on a vu Jean-Marie le Pen présent au second tour de la présidentielle en 2002 face à Jacques-Chirac. Ce désenchantement démocratique s’est conforté au fil de toutes ces années. Et on obtient à la fois un mélange de désenchantement démocratique et de morosité démocratique. Tout cela est alimenté par des colères coagulées depuis plusieurs années et auxquelles les partis traditionnels de gouvernement n'ont pas su apporter des réponses suffisantes.
Il semble qu’au bout de ce quinquennat, Emmanuel Macron est lui aussi la cible de toutes ces colères. On se souvient de la crise des gilets jaunes. Aujourd’hui, la question est de savoir à quoi peut servir cet agrégat de colère parce que le second tour de cette élection n’est pas encore joué.
Vous parlez de la progression de l'Extrême-droite qui se nourrit peut-être de toutes ces colères . Cela s'est exprimé par la présence trois fois d'un candidat de l'extrême droite au second tour de l'élection. Est-ce que cette fois l'extrême droite a plus de chance par rapport aux deux précédentes échéances électorales de l'emporter ?
Marine le Pen fait le score le plus important qu’ait jamais fait le Rassemblement National (courant d’extrême droite) depuis son existence. Nous aboutissons en fait à la fin des cycles parce qu’à la réalité, l’extrême droite a été depuis une trentaine d'années le curseur de la vie politique en France. Il en va de la stabilité des partis de gouvernement depuis vingt ou trente ans. Avec cette responsabilité des partis du gouvernement, on assiste également à l'érosion de la confiance d’une catégorie des électeurs à l'égard des partis de gouvernement.
Tout cela accumulé alimente fortement les partis d'extrême-droite, alimente évidemment la campagne de Marine le Pen. Pour la première fois, ce parti est réellement aux portes du pouvoir, c'est-à-dire qu’il a une forte probabilité de remporter l'élection. La démocratie française est en crise depuis plusieurs années et elle n’est pas la seule. Les vieilles démocraties sont confrontées à divers facteurs d’usure. Il y a le désenchantement démocratique dont je parle, une défiance à l'égard des partis traditionnels, à l'égard des élus et des acteurs politiques. Il y a besoin de citoyens fortement exprimés d'une plus forte participation à la décision au sein de la cité.
Un sondage IPSOS révèle qu’Emmanuel Macron arriverait en tête au second tour avec 51% des suffrages contre 49% pour Marine Le Pen. On a l’impression que peu importe celui ou celle qui va diriger la France au cours des cinq prochaines années, rien ne pourra plus être comme avant …
Je pense qu’Emmanuel Macron est l’homme de la transition, justement dans cette crise démocratique dont nous parlons. Puisque face à la rue, aux partis traditionnels de gouvernement, à une crise de représentation du système partisan, il faut complètement reconstruire les grandes formations politiques susceptibles d’animer la vie démocratique. Avec cette fin de cycle, Emmanuel Macron apparaît comme l'homme de la transition.
Si rien ne pourra plus être comme avant ? Je dirais plutôt qu’il revient aux français de répondre si tous ensemble ils peuvent remettre en place un nouveau contrat social et reconstruire une communauté de destin parce que ce pays est aujourd’hui éclaté. Pour répondre à toutes les questions qui sont posées depuis vingt ans et qui ont été posées plus fortement encore en 2017, Le défi majeur actuellement en France c’est de reconstruire la démocratie.
France : « Pour la première fois, le Rassemblement National est réellement aux portes du pouvoir »
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