"Le jeu était ma seule échappatoire", explique le joueur de 28 ans à l'AFP, en racontant son enfance embourbée dans la pauvreté et la violence.
Celui qui est désormais connu sous le pseudo de "Beast" ("la bête") a découvert les jeux vidéo à l'âge de neuf ans.
"Mon père est devenu alcoolique, il rentrait à la maison abruti par l'alcool et battait ma mère.Ma maison est devenue un endroit où je ne voulais pas me trouver", raconte-t-il.
Il se rend alors quotidiennement dans des salles de jeux, au grand dam de sa mère qui craignait que cela n'ait une mauvaise influence sur lui et le détourne de ses devoirs d'école.
"Ma mère me mettait une raclée chaque fois qu'elle me trouvait dans des salles de jeux", se souvient-il.
Mais loin de plonger dans le gouffre de la drogue et du crime, il s'est orienté vers les tournois, qui lui ont ouvert la porte de partenariats rémunérateurs.
Aujourd'hui, il gagne environ 50.000 shillings kényans par mois (400 euros) dans un pays où le chômage des jeunes reste un énorme problème.
- Carrière atypique -
Tout a commencé pour lui en 2013."Je suis tombé sur des vidéos YouTube où j'ai vu des joueurs à l'étranger jouer à Mortal Kombat - un jeu auquel je jouais fréquemment pour passer le temps - et être payé jusqu'à 5.000 dollars pour concourir", explique-t-il.
Il décide de faire de même.Comme d'autres "gamers" kényans, il tente aujourd'hui de se faire une place dans l'esport, en plein boom.
Un tel choix de vie paraît saugrenu au Kenya, où la réussite scolaire et les capacités athlétiques sont considérées comme les seules voies vers le succès.
Tout en menant ses études de droit, Sylvia Gathoni est devenue une pionnière de l'esport.
En 2018, la jeune femme, qui joue au jeu de combat Tekken sous le nom de "Queen Arrow", est devenue la première joueuse du Kenya - hommes et femmes confondus - à être recrutée par une équipe internationale, UYU, basée aux États-Unis.
"L'ancienne génération a été formatée à penser que pour réussir, il faut suivre un chemin spécifique: aller à l'école, travailler dur dans les études, puis poursuivre une carrière", estime-t-elle.
Elle voyage aujourd'hui à travers le monde pour participer à des tournois internationaux aux côtés de grands noms.
- "Pas de structure" -
Mais le secteur du "gaming" fait toujours face à des obstacles majeurs en Afrique, continent qui pourrait pourtant faire figure de marché porteur avec 60% de sa population âgée de moins de 25 ans.
De nombreux joueurs sont confrontés à des débit internet lents et à des décalages horaires défavorables avec leurs homologues étrangers des pays développés, où se trouvent la grande majorité des serveurs.
Au Kenya, "gamers" et salles de jeux font également l'objet d'une surveillance pointilleuse de la police, car la loi ne fait pas de distinction entre sport électronique et jeux d'argent.
"Au cours de mes recherches, j'ai découvert que la loi doit s'aligner avec la technologie.Il y a encore beaucoup de retard", souligne Gathoni, qui souhaite se spécialiser en droit du sport électronique pour faire évoluer les choses.
Aucun cadre officiel n'existe au Kenya, où les "gamers" s'affrontent dans des tournois informels avec des récompenses en espèces.
"Il n'y a pas de structure pour le moment, c'est simplement un groupe d'amis qui se réunit pour jouer", explique un organisateur de tournois, Ronny Lusigi.
"Pour que du jeu vidéo devienne de l'esport, il faut être organisé et compétitif", souligne-t-il.
Brian Diang'a, qui encadre désormais de jeunes "gamers" à Kibera et organise des tournois à travers le Kenya, espère bien voir le jeu vidéo "exploser en Afrique".
"Le jeu m'a permis de rester sain d'esprit quand tout s'effondrait", affirme-t-il: "Je veux voir plus de gens entrer dans cette culture".
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