Depuis 2017, cette femme de 43 ans a formé des dizaines de femmes malvoyantes - et quelques hommes - à l'art du massage afin de créer des emplois pour cette communauté victime de discrimination au Rwanda. Aujourd'hui encore, la demande pour les services de massage proposés par sa société Seeing Hands ("Les mains qui voient") se limite aux étrangers. "Les Rwandais disent qu'ils ne veulent pas que leur corps soit touché par uxxne personne aveugle, que cela peut être source de malchance", explique Beth Gatonye: "C'est comme s'ils pensaient qu'être aveugle est contagieux". Selon la Fédération rwandaise des aveugles (RUB), la stigmatisation prive les citoyens malvoyants d'opportunités éducatives ou professionnelles. Ils n'ont ainsi pas pu suivre l'école secondaire jusqu'aux années 1990, quand les programmes ont été traduits en braille. Ils ont dû attendre encore plus longtemps pour accéder à l'enseignement universitaire, devenu accessible qu'en 2008. "Ils vivent dans l'isolement et la solitude. Certains sont (...) cachés par leur famille parce qu'ils représentent une honte", souligne la porte-parole de la RUB, Rachel Musabyimana. - "Des gens inutiles" - "Les Rwandais nous considèrent comme des gens inutiles", lâche Immaculée Karuhura, une des masseuses de Seeing Hands: "Ils pensent qu'on ne survit qu'en mendiant". Bien que la pandémie de coronavirus ait durement touché leur entreprise, les services de massage ayant été interdits pendant les stricts confinements imposés au Rwanda, Gatonye est désormais submergée par la demande. "J'ai 15 femmes aveugles qui travaillent actuellement comme massothérapeutes (...) Faire revenir toutes les personnes qui travaillaient ici avant la pandémie est difficile, mais on essaie", déclare-t-elle. Selon l'Enquête nationale sur la cécité 2021 du Rwanda, les principales causes de déficience visuelle sont la cataracte et le glaucome non traités. Jusqu'à 80% des cas sont considérés évitables ou réversibles. Des entreprises comme Seeing Hands promettent l'autonomie financière aux aveugles rwandais, qui représentent un peu plus de 1% de la population, selon l'enquête nationale. "Maintenant, je peux gérer ma vie. Je peux payer le loyer et payer les frais de scolarité de mes enfants", se réjouit Immaculée Karuhura. Mais ce travail signifie bien plus pour elle. "Quand je sers un client, je me sens heureuse", confie-t-elle, en soulignant à quel point cet emploi a donné un sens à sa vie et un sentiment d'intégration: "J'ai l'impression de communiquer avec mes clients pendant une séance de thérapie, et c'est quelque chose qui m'émeut beaucoup".
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