Comme elle, beaucoup de Sénégalais ont été choqués par la fin tragique de ces nouveau-nés.Un certain nombre disent attendre plus que le limogeage du ministre de la Santé annoncé jeudi.Mais, devant les carences mises cruellement en lumière par des incidents à répétition, ils ont bien peur que de tels deuils ne se renouvellent.
Ce qui s'est produit mercredi soir à l'hôpital Mame Abdou Aziz Sy Dabakh reste à établir.Les témoignages rapportent un incendie se propageant rapidement dans l'unité néonatale et des personnels et des usagers impuissants à sauver les enfants.Un court-circuit électrique est incriminé.
"Ce qui s'est passé est très dur", disait Mbène Souaré vendredi devant l'établissement, revenu à une activité normale, n'était le maintien d'un véhicule de police à l'entrée.
Agée d'une quarantaine d'années, elle est néanmoins venue d'un village proche et reviendra se faire soigner ici "parce qu'il n'y a pas d'autre solution quand on est malade"."Nous prions Dieu que ça n'ait plus lieu et qu'il dote l'hôpital des moyens nécessaires".
Mohamed Camara, 24 ans, qui se dit footballeur et sort de l'hôpital une radiographie à la main, admet avoir "peur en y venant".Mais "je ne peux ne pas y venir", ajoute-t-il.
La médecine privée est inabordable, et l'hôpital est le seul recours si on ne veut pas s'en remettre à la médecine traditionnelle.
- "Drame prévisible" -
Si les enfants sont morts ou s'il doit leur arriver quelque chose à eux-mêmes, telle est la "volonté divine", concluent l'une et l'autre, parole fréquemment entendue dans cette ville d'environ 40.000 habitants, fief des Tidianes, l'une des communautés musulmanes au rôle essentiel au Sénégal.
Tous ne se résignent pas à la fatalité.L'hôpital de Tivaouane dessert un bassin de population de centaines de milliers de personnes.Son nouveau service de néonatalogie, cofinancé par une entreprise privée, avait été livré fin 2021, avec des équipements de sécurité et une formation des personnels aux alertes incendie, selon le maire.
Mais le khalife des Tidianes, Serigne Babacar Sy Mansour, s'inquiétait il y a plusieurs mois que "l'hôpital ne (soit) plus malade que le patient".Le drame "était prévisible tellement le niveau de délabrement avait dépassé l'entendement", a écrit son neveu Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Amine.
En un an, c'est au moins le troisième évènement avec mort d'enfants à l'hôpital public à bouleverser l'opinion.Le président Macky Sall a décrété trois jours de deuil national et les activités festives comme celles de la Biennale dakaroise d'art contemporain ont été suspendues.
Il a écourté un déplacement à l'étranger et était attendu vendredi à Tivaouane.Il a limogé son ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr, fragilisé par cette succession d'évènements retentissants et une défaite électorale en début d'année à Dakar.Il l'a remplacé par Marie Khemesse Ngom Ndiaye, directrice générale de la Santé publique.
La justice qui mène l'enquête a indiqué qu'elle serait "implacable" contre les responsables.
- "Mal qui ronge" -
Les appels aux sanctions ont abondé sur les réseaux sociaux.Ils sont allés de pair avec les "plus jamais ça".
Le système de santé sénégalais est considéré comme meilleur que celui de beaucoup de voisins.Mais un document du ministère de la Santé pour les années 2019-2028 reconnaissait, malgré les efforts consentis selon lui ces dernières années, "un manque généralisé de ressources humaines et financières, d'infrastructures et d'équipements".Il parlait d'une "prévention et une gestion des risques encore embryonnaires".
Parmi d'autres, l'un des chefs de l'opposition, Khalifa Sall, estime sur Facebook que "chacun de ces scandales est déjà de trop".Il réclame que les responsabilités soient déterminées.Mais il demande aussi un "audit exhaustif de notre système sanitaire".
Le journal Le Quotidien a aussi constaté le "mal qui ronge notre secteur sanitaire".Mais il s'inquiète que les leçons ne soient pas tirées, dressant le parallèle avec les tueries de masse aux Etats-Unis.
"La formule est connue: pleurons les morts un temps, crions à l'indignation, une enquête est diligentée (...) laissons le temps faire, l'amnésie caractéristique de notre peuple fera le reste", redoute-t-il.
Devant l'hôpital de Tivaouane, Médoune Niang, ancien ébéniste de 71 ans, continuera lui aussi à venir traiter sa sciatique ici.Il fait "confiance aux médecins", mais "recommande des sacrifices, qu'on tue un à trois boeufs en offrande".Une partie du malheur vient de ce que l'hôpital a été construit sur le terrain d'un chef religieux dont le souvenir est insuffisamment honoré, assure-t-il.
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