On va dire que 2022 est une année décidément prodigieuse pour vous ?
(Rires) …...On peut le voir comme ça, c’est vrai que lorsque mon roman a été publié, j’espérais qu'il ait un bon accueil, c’est toujours un espoir un peu prétentieux de la part d’un auteur romancier. « Les Aquatiques », c'est mon premier roman, donc je suis extrêmement sensible à l'accueil bienveillant dont il bénéfice, et qu’il soit couronné fut vraiment la cerise sur le gâteau. D'abord en Afrique comme vous l'avez
souligné, par l'Union Africaine, donc symbolique pour moi . C'est le continent qui m'a vu naître et grandir et ensuite, ici à Genève où le roman a été également remarqué. C'est une incitation à plus de travail de toutes les manières, une belle mise en lumière pour le travail, pour le livre, mais également c’est une incitation à continuer et une forme de pression que ça met aussi pour la suite.
Le grand prix panafricain de littérature vous l'avez reçu en février à Addis-Abeba, lors du sommet de l'Union Africaine, ce prix est également doté de trente mille dollars.
Ah oui ? C’est vrai ? Je n’étais pas au courant. (Rires)
Alors qu’est-ce que ce prix a changé pour l'autrice que vous êtes et à titre personnel ?
Pour le moment je suis encore un peu la tête dans le guidon puisque le roman est sorti il y a quelques mois et que je fais pas mal de rencontres littéraires, de promotions autour du roman, donc je ne peux pas dire avec certitude ce que le prix a changé, mais ce qu'on perçoit quand même ça vient des autres, c'est que le regard qui est porté sur vous comme écrivaine se modifie puisque semble-t-il un prix comme celui-là vous valide. Ce n'est pas tout à fait mon avis puisqu'un prix pour qu’on vous l’attribue, il y a la qualité du roman du texte bien sûr, mais bon il y a tellement de conditions qui font qu' on ne peut jamais savoir pour quelles raisons en définitive on a reçu un prix.
Simplement moi ça m'incite à continuer,le prix a été décerné par un jury auquel appartenaient les grands auteurs tels que Boubacar Boris Diop et Abdourahman Waberi
des auteurs qui ont accompagné mon chemin d'écriture, pour qui j'ai une très grande estime. Donc forcément c'est aussi un message qui m'est envoyé en me disant voilà on a
remarqué ce premier roman, il ne faut pas s'arrêter, il faut continuer.
Et après le deuxième prix pour « Les aquatiques », quelle est la prochaine étape ?
Le troisième prix tiens…Non je pense que le troisième prix, c’est un nouveau roman, une fois qu’on a fini les paillettes qui durent quelques instants, il faut repartir à la forge. C'est dans la solitude, dans la retraite de l'écriture qu’on se trouve et qu'on peut plus tard rencontrer des lecteurs. Donc pour moi aujourd'hui, ces prix qui sont dotés, c’est important qu’il soit doté, puisque ça permet aussi de regarder avec moins de stress les mois à venir, car quand on est écrivain, c'est toujours très compliqué de vivre de son travail.
Mais on peut avec des prix qui sont dotés, se dire ok, je vais passer encore de longs mois ou de longues années à écrire et je pourrai quand même me payer de quoi manger.
Un mot sur « Les Aquatiques » lui-même dans lequel vous vous attaquez les conventions sociales, en racontant la société camerounaise, votre pays d'origine, sous le regard de ce qu’on
appelle l'élite ou la grande bourgeoisie à travers le personnage Katmé .Qui est-elle et pourriez-vous nous raconter la suite de l'aventure de Katmé ?
Alors Katmé c’est une femme qui a une trentaine d'années, elle a été enseignante. Elle est mariée et elle a deux enfants et c’est quelqu'un qui a construit une vie de
compromis et de renoncement pour maintenir son équilibre familial et social.
Les apparences aussi ?
Tout à fait, Katmé évolue dans un milieu très bourgeois, c’est un milieu où il faut à tout prix sauver les apparences. Elle a un meilleur ami qui s'appelle Samuel, qui est artiste et un jour cet ami est arrêté.
Le mari de Katmé , qui est un homme politique influent ne veut surtout pas qu'elle l'aide de peur que cet
événement, cet incident n’entâche son ascension sociale à lui. Et Katmé va devoir choisir, c’est une sorte de choix cornélien, entre obéir à son mari qui est plutôt dominateur ou alors s’en libérer et aider son ami à sortir de prison.
Et ce qui m'intéressait dans ce roman c’était de montrer comment une femme qui a
construit une vie justement dans un milieu comme celui-là, un lieu de convenance, où c’est votre position sociale qui vous donne une identité, une existence, peut réinventer sa vie.
C'était effectivement aussi en résonance avec les parcours de femmes que j’ai souvent rencontrées, qui vivent une vie empêchée, une vie de renoncement. Mais pour sauver leur confort matériel, pour sauver aussi les relations familiales, parce que quand on décide de réinventer sa vie, ça veut dire que l’on choisit aussi la solitude. C’est un chemin qui est très peu fréquenté, où on peut avoir comme adversaire d'abord soi-même, car il faut d’abord lutter contre soi-même, mais on a aussi comme adversaire la famille, on a les proches…
Vous êtes écrivaine mais aussi réalisatrice et vous préparez d'ailleurs un film documentaire sur les soldats qui ont rejoint la branche
armée de l’ANC.
A quoi doit s'attendre le public ?
Je me prépare en ce moment un documentaire sur la branche armée de l’ANC, que Mandela avait créé en 1961 J'ai rencontré des anciens soldats, des vétérans qui se sont battus pour libérer leur pays.
C’est un hommage à ces vétérans-là, c’est aussi un hommage à une Afrique qui a conquis sa liberté, liberté qui n’a pas été donnée, très chèrement payée.
C’est un regard quelque part prospectus sur nos sociétés africaines d'aujourd'hui.
« Le prix Kourouma 2022 m'incite à continuer » - Osvalde Lewat
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