Fin juin, le juge de 62 ans a enfoncé le clou avec les conclusions, accablantes, de quatre années d'enquête sur la corruption généralisée sous la présidence de Jacob Zuma (2009-2018).Quelque 400 jours d'auditions en direct à la télévision, plus de 300 témoins, et des milliers de page d'un rapport qui met en cause 200 personnes aujourd'hui susceptibles de poursuites.
"Pour ceux qui veulent savoir, tout est là", résume le juge à l'AFP, derrière son immense bureau en bois sombre de Johannesburg.Posant sa tasse de thé rooibos, il refait la liste des entreprises publiques siphonnées, des hauts responsable "non coopératifs" finissant par être remerciés, et les manigances avec une sulfureuse fratrie d'hommes d'affaires, les Gupta.
D'origine indienne, les Gupta sont accusés d'avoir infiltré le sommet de l'Etat grâce à une longue amitié avec Zuma, à la fois instigateur et pantin d'une machination qui a abouti à la spoliation méthodique de l'Etat.
De cette plongée dans les abîmes de la corruption, le juge Zondo sort "éreinté" et "préoccupé". Ancien avocat devenu vice-président de la Cour constitutionnelle, Raymond Zondo a été nommé en 2018 à la tête de la commission d'enquête.
A l'époque inconnu du grand public, il hérite de la tâche car, "pour une raison ou une autre, personne d'autre n'était d'accord ou disponible", explique le juge qui raconte avoir "travaillé dur" pour sortir du milieu modeste dont il est issu.
- Menaces de mort -
"Ce qui me sidère encore, c'est à quel point l'ancien président de la République, M. Jacob Zuma, était prêt à agir, mal agir, sur demande des Gutpa", lâche-t-il de sa voix grave.
"Comment notre pays en est-il arrivé à avoir un président prêt à cela?Qu'est-ce qui ne va pas dans notre système?" s'interroge-t-il.
Aujourd'hui, Jacob Zuma, longtemps intouchable, est en liberté conditionnelle.Le juge Zondo a obtenu l'an dernier une condamnation de 15 mois de prison pour outrage à la justice, après son refus obstiné de témoigner devant la commission.Et l'ancien chef d'Etat pourrait faire l'objet de nouvelles poursuites après le rapport.
L'incarcération en juillet 2021 de M. Zuma, qui a toujours des soutiens, avait provoqué une vague de violences sans précédent faisant plus de 350 morts.Ses partisans sont soupçonnés d'avoir tenté de semer le chaos.
A la même époque, le juge Zondo reçoit des menaces de mort.Les intimidations qui l'ont visé et les émeutes "sont liées", est persuadé le juge.Qui n'hésite pas à ajouter qu'en effet, "il aurait fallu me tuer pour m'arrêter".
Le père de huit enfants enrage seulement que les menaces aient aussi touché sa famille.Ceux qui lui sont chers "auraient dû être laissés en dehors de ça", juge-t-il en ajoutant seulement qu'il n'aime pas évoquer sa vie privée.
Héraut anti-corruption, sa mission s'arrête là: "j'ai fait mon travail, je ne suis pas impliqué dans les poursuites judiciaires".
Critiqué pour avoir été trop compatissant envers le président Cyril Ramaphosa, lui-même appelé à témoigner devant la commission, sa probité d'homme de loi attaquée par le camp Zuma, le juge balaie tranquillement tout ça d'un revers de main: "les gens m'ont accusé de toutes sortes de choses".
L'amateur de musique noire traditionnelle et de gospel, qui fréquente les églises quand son emploi du temps lui permet, va désormais se consacrer à la présidence de la Cour constitutionnelle qui lui a été confiée en mars, plus haute juridiction du pays.
"Nous devons faire en sorte que l'Afrique du Sud n'ait plus jamais un président qui agisse ainsi", conclut-il, même s'"il n'y a jamais de garantie".
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