Bunagana, un important centre de commerce transfrontalier entre la RDC et l'Ouganda, et tout proche du Rwanda, "est sous contrôle de l'ennemi", a reconnu dans la journée sous couvert d'anonymat un officier congolais. "L'armée (congolaise) vient de céder, en entrant en Ouganda", indiquait de son côté Damien Sebusanane, responsable d'une association locale de la société civile, qui se trouvait lundi matin à la frontière ougandaise. "Un camion de l'armée vient de passer, quatre jeeps et d'autres véhicules pleins de militaires", ajoutait-il. Selon une source humanitaire en contact avec le terrain, ces militaires se sont retrouvés acculés à Bunagana, sans autre voie de sortie que de fuir par la frontière, lors de nouveaux affrontements violents qui avaient éclaté dimanche matin. "Cent trente-sept soldats congolais et 37 policiers se sont rendus à l'UPDF" (l'armée ougandaise), a confirmé à l'AFP un officier des forces de sécurité ougandaises, Hajj Sadiq Sekandi, interrogé depuis Kampala. "Ils fuyaient les combats et recherchaient une protection", a-t-il ajouté. De précédents combats avaient déjà provoqué depuis fin mars la fuite de milliers d'habitants vers l'Ouganda et Rutshuru, ville principale du territoire congolais du même nom. Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) signalait lundi matin 368 arrivées supplémentaires en Ouganda depuis Bunagana. "Il y a actuellement plus de 30.000 Congolais du côté ougandais de la frontière. Ils ont peur de rentrer", a estimé l'officier ougandais. "La situation humanitaire est de plus en plus préoccupante", a également constaté côté congolais Hervé Nsabimana, coordonnateur de l'ONG Codhas (Centre d'observation des droits de l'homme et d'assistance sociale). - Appel au dialogue - En début de soirée lundi, l'armée congolaise a accusé le Rwanda d'"invasion" de la RDC, affirmant que c'était l'armée rwandaise elle-même qui occupait Bunagana. Dans un communiqué lu devant la presse à Goma, le général Sylvain Ekenge, porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu, a affirmé que l'armée rwandaise était intervenue directement dans les combats "après avoir constaté d'énormes revers subis par (ses) protégés sur le terrain". L'armée de Kigali a, "cette fois et à découvert, décidé de violer l'intangibilité de notre frontière et l'intégrité de notre territoire en occupant la cité frontalière de Bunagana". Cela, a-t-il dit, "constitue ni plus ni moins une invasion de la RDC". Dimanche, le même général Ekenge estimait que "l'objectif poursuivi par le Rwanda était d'occuper Bunagana pour non seulement asphyxier la ville de Goma (chef-lieu de la province du Nord-Kivu), mais aussi faire pression sur le gouvernement" congolais. La semaine dernière, l'armée de RDC avait accusé le Rwanda d'avoir envoyé 500 de ses militaires dans l'est du pays, ce que le gouvernement rwandais avait démenti, comme il nie tout soutien au M23. Rébellion à dominante tutsi vaincue en 2013 par Kinshasa, le M23 ("Mouvement du 23 Mars"), qui avait son QG à Bunagana, a repris les armes fin 2021, en reprochant aux autorités congolaises de ne pas avoir respecté un accord pour la démobilisation et la réinsertion de ses combattants. Dans un communiqué diffusé lundi soir, Willy Ngoma, porte-parole du M23, a confirmé que le mouvement avait pris le contrôle de Bunagana. Ce n'était "pas un acte prémédité", affirme-t-il, mais en réponse à l'offensive de l'armée. Le président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a appelé lundi "à une cessation immédiate (...) de toute activité militaire présentant une quelconque menace" pour le Rwanda ou la RDC, deux pays qu'il a appelés à "résoudre tout différend par le dialogue et la concertation fraternelle".
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