Un vol spécialement affrété avec à son bord des clandestins doit décoller de Londres dans la soirée, et atterrir le lendemain matin à Kigali, selon des opposants à l'initiative.
En envoyant les migrants arrivés clandestinement au Royaume-Uni dans ce pays d'Afrique de l'Est, à plus de 6.000 kilomètres de Londres, le gouvernement entend dissuader les traversées illégales de la Manche, qui ne cessent d'augmenter malgré ses promesses répétées de contrôler l'immigration depuis le Brexit.
"Les groupes criminels qui mettent la vie des gens en danger dans la Manche doivent comprendre que leur modèle économique va s'effondrer sous ce gouvernement", a martelé lundi Boris Johnson sur la radio LBC.
Ce projet controversé, également fustigé par le prince héritier Charles comme l'Eglise anglicane, et qui rappelle la politique menée par l'Australie, a été validé par la justice britannique.
Celle-ci a rejeté en première instance puis en appel des recours de dernière minute formulés notamment par des associations pour tenter de stopper les départs.
Mais le premier vol risque de décoller quasi vide.Car si elles ont échoué à interdire la mesure, les multiples contestations en justice ont eu pour effet d'en réduire significativement l'ampleur.
Selon l'association Care4Calais, qui a dénoncé un "projet cruel et barbare", au moins 23 personnes sur 31 ont ainsi vu leur ticket vers le Rwanda annulé. Parmi ceux devant partir initialement se trouvaient notamment des Iraniens, des Irakiens, des Albanais et un Syrien, selon elle.
Après ce premier vol, les associations n'entendent pas baisser les bras et comptent poursuivre leur contestation en justice, alors qu'une manifestation a rassemblé des centaines de personnes devant le ministère de l'Intérieur lundi soir.
"Nous sommes déçus mais notre recours plus large contre cette politique sera défendu en juillet", a réagi l'association Detention Action à propos de l'examen détaillé de la légalité de la mesure prévue le mois prochain.
- "Politique immorale" -
Les traversées illégales de la Manche sont la bête noire du gouvernement conservateur, et provoquent régulièrement des tensions avec la France, d'où partent de nombreux migrants désireux de rejoindre l'Angleterre.
Depuis le début de l'année, plus de 10.000 migrants ont traversé illégalement la Manche pour atteindre les côtes britanniques sur de petites embarcations, une hausse par rapport aux années précédentes, déjà record.
En vertu de son accord avec Kigali, Londres financera dans un premier temps le dispositif à hauteur de 120 millions de livres (140 millions d'euros).Le gouvernement rwandais a précisé qu'il proposerait aux migrants la possibilité "de s'installer de manière permanente".
L'ambassadeur du Rwanda au Royaume-Uni, Johnston Busingye, a dit dans le Daily Telegraph être "déçu" que les critiques du projet doutent de la capacité de Kigali à fournir "un refuge sûr" aux demandeurs d'asile.
Mais pour l'ONU, vent debout depuis l'annonce de la mesure, "cet accord ne va pas du tout pour tellement de raisons différentes".
L'organisation de défense des droits humains HRW estime que Londres "cherche à rejeter entièrement ses responsabilités en matière d'asile sur un autre pays", ce qui va à l'encontre de la Convention de Genève de 1951.
Dans une lettre publiée mardi par le journal The Times, les chefs spirituels de l'Eglise anglicane, dont l'archevêque de Canterbury Justin Welby, celui de York Stephen Cottrell et 23 évêques, ont estimé que "cette politique immorale couvre le Royaume-Uni de honte".
"Notre héritage chrétien devrait nous inciter à traiter les demandeurs d'asile avec compassion, équité et justice", insistent-ils.
Alimentant la polémique, le prince Charles a jugé en privé "consternant" le projet du gouvernement, avait rapporté samedi le Times, alors qu'il doit participer à une réunion du Commonwealth à partir du 20 juin au Rwanda.
A Kigali, le prince Charles et Boris Johnson doivent rencontrer le président Paul Kagame, lequel dirige le Rwanda depuis la fin du génocide de 1994, qui a fait 800.000 morts selon l'ONU.Son gouvernement est régulièrement accusé par des ONG de réprimer la liberté d'expression, les critiques et l'opposition politique.
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