Dans un rapport diffusé la semaine dernière, le collectif Tournons la page (TLP) dénonce la mise en place depuis 2014 dans son pays d'un "arsenal juridique de plus en plus répressif", évoquant pêle-mêle manifestations interdites, militants arrêtés et libertés d'expression et d'association de plus en plus étroitement contrôlées.
"L'espace civique est en voie d'extinction au Niger", a confirmé M. Zodi dans un entretien à l'AFP."Aujourd'hui la presse est muselée, les blogueurs sont muselés, la société civile est muselée", a-t-il dit.
"L'opposition, n'en parlons pas !" a-t-il par ailleurs évacué, accusant les opposants de ne s'intéresser qu'à leurs "parcelles de pouvoir".
Mais à l'étranger, "on continue de croire que le Niger est une démocratie, un État de droit", ajoute le militant, emprisonné à trois reprises depuis 2017. "C'est l'objectif de ce rapport : attirer l'attention de la communauté internationale sur ce qui se passe dans notre pays."
Sollicitée par l'AFP à Niamey, la présidence a récusé tout "rétrécissement de l'espace civique au Niger", en voulant pour preuve "que la loi sur la cybercriminalité et les délits de presse par voie électronique sera bientôt modifiée et dépénalisée".
Quant à l'interdiction de manifestations dans la capitale, elle relève de la municipalité et les recours des organisateurs ont été rejetés par la justice, a-t-on souligné.
- "Problème de gouvernance" -
"Dans le Sahel, il y a eu un vent de coups d'État et on considère qu'il y a eu des élections au Niger.Donc il y a ce semblant de démocratie, ça joue en faveur du régime", remarque M. Zodi, en référence aux putschs survenus au Mali et au Burkina Faso voisins, également en proie aux attaques jihadistes.
Critique du bilan de la force française Barkhane au Sahel, sur le point d'achever son retrait du Mali en raison d'une crise ouverte avec les colonels au pouvoir à Bamako, il récuse l'existence d'un réel "sentiment antifrançais", qui serait attisé selon Paris et le président nigérien Mohamed Bazoum par des "officines", notamment prorusses.
Mais il évoque en revanche un ras-le-bol face à l'inefficacité de Barkhane."Au fil du temps, ces forces sont devenues illégitimes parce qu'après dix ans d'existence, la situation ne fait qu'empirer", relève le coordinateur de TLP au Niger.
"Aujourd'hui on me dit qu'un chef terroriste a été neutralisé par Barkhane", dit-il, en référence au cadre du groupe Etat islamique (EI) arrêté dimanche au Mali près de la frontière nigérienne."Est-ce que cela a empêché que hier, 15 de nos soldats tombent au front ?Que des greniers soient brûlés ?Que les terroristes continuent à prélever l'impôt" sur les populations ?
Selon lui, "les armées sahéliennes sont gangrénées par la corruption" et la crise de la région "est d'abord un problème de gouvernance".
"Nous avons besoin de la coopération française.Mais nous ne voulons pas que la France joue un rôle paternaliste au Sahel", explique M. Zodi, appelant à des "opérations véritablement conjointes" pour aguerrir les armées nationales.
- "Pas d'autre Afghanistan" -
"En Afghanistan", rappelle-t-il, "dès que les États-Unis se sont retirés, les talibans ont pris le pouvoir.Nous ne voulons pas d'un autre Afghanistan au Sahel."
M. Zodi se dit donc favorable à toute aide militaire, pourvu qu'elle respecte la souveraineté et les lois nigériennes et internationales."Si ce sont les Chinois, si ce sont les Français, si ce sont les Américains, nous sommes preneurs."
"Si c'est avec l'État russe, qui estime qu'il peut venir nous aider conformément à la réglementation internationale, nous sommes preneurs", insiste-t-il.
Mais il rejette un recours aux mercenaires du groupe russe Wagner, présents selon l'ONU et les pays occidentaux depuis décembre au Mali et accusés d'exactions contre les civils, de la Syrie à la Centrafrique.
"Nous sommes des défenseurs des droits de l'Homme et nous sommes contre ce genre de pratiques", dénoncées également lorsqu'elles sont imputées aux armées nationales sahéliennes, souligne le coordinateur.
"Donc nous ne cautionnons pas ça", prévient-il, préférant "des accords bilatéraux entre les États, plutôt qu'avec un groupe ou une société privée de sécurité qui n'est redevable à personne".
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