Mafalala est le plus célèbre faubourg de Maputo, la capitale mozambicaine.
Considéré comme le berceau culturel de l'après indépendance, le quartier figure désormais dans les guides de tourisme et possède même un musée "vivant" dédié à son histoire.
Un panneau planté dans la terre énumère les attractions locales: maison de Samora Machel, premier président du Mozambique, maison natale d'Eusebio, légende du football.Et quelques noms d'artistes, dont le grand poète lusophone José Craveirinha.
A la veille de l'indépendance, c'est dans ces ruelles que s'est forgée la conscience de la "révolution" contre l'occupant portugais, une guerre qui dura de 1964 à 1974.
Depuis, la génération des révolutionnaires occupe le pouvoir et le souffle de la grande époque est retombé.Les maisons des grands hommes tombent en ruine ou sont habitées par de nouveaux occupants.
Comme seul mausolée, le grand Eusebio a son graffiti en face d'un terrain de football d'où il observe ses héritiers jouer les pieds dans la poussière.
C'est pour sauvegarder cet héritage qu'une association a ouvert le musée en 2019.L'édifice se dresse au milieu d'une mer de tôle, dont il est lui-même recouvert."Ces tôles-là, mes parents n'ont jamais voulu les changer chez eux, elles font partie de notre histoire", explique son fondateur Ivan Laranjeira.
- Buvettes, fresques et mosquées -
Revenu sur les lieux de son enfance dès la fin de ses études à l'étranger, il préserve depuis près de 15 ans la mémoire des lieux."On dit souvent que Mafalala est la capitale de Maputo, c'est ici que se trouvent l'âme et le cœur de la ville", dit-il en souriant.
A l'intérieur, une guitare artisanale jouée par les premiers musiciens de "Marrabenta", rythme national, un ballon de football en chiffon comme celui qu'utilisait Eusebio, des costumes traditionnels.Mais ce ne sont pas les collections qui importent: "C'est un musée vivant, à l'image du quartier qui est déjà en lui-même un musée", explique son directeur.
Les visiteurs peuvent y passer la nuit, mais c'est d'abord un centre culturel pour la jeunesse.Ateliers éducatifs, concerts..."Les jeunes doivent être fiers de venir de Mafalala, savoir d'où ils viennent".
Dans un pays classé parmi les plus pauvres et inégalitaires au monde, cette génération peine à s'approprier son prestigieux héritage.
A quelques mètres des terrasses branchées et villas cossues du centre, c'est un autre Mozambique qui vivote là au jour le jour.Femmes de ménage, gardiens, cuisiniers… Beaucoup subsistent grâce à l'économie informelle.
"Nous aimons beaucoup notre culture ici --danse, chant, musique-- mais il n'y a personne pour nous financer", déplore Jamal Age, 28 ans."Meilleur danseur de Mafalala" autoproclamé, catégorie break dance, il rêve de percer.En attendant, il soude des canapés dans un atelier de rue et enregistre ses performances sur les toitures de la ville.
Depuis le 19e siècle, Mafalala est le point de convergence des travailleurs pauvres venus des campagnes, attirés par sa proximité avec le centre et ses loyers abordables.Lieu de passage et de métissage, le quartier est désormais un concentré de la diversité du pays.
Les buvettes y côtoient les mosquées et les églises évangélistes, entre les murs de parpaings couverts de fresques chamarrées. Les touristes y sont bienvenus mais se font rares.Quant aux artistes, ils peinent à émerger.
"Autrefois, Mafalala était un lieu de création musicale réputé.Mais ce rayonnement a été abîmé par la pauvreté", explique Danilo Malele, alias "Kloro", rappeur la quarantaine passée qui a dédié un hymne au quartier. "Les jeunes ne pensent plus à faire de la musique ou abandonnent, ils ont d'autres priorités".
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