"Je souhaite que nous puissions avoir et lancer ensemble un travail conjoint d'historiens camerounais et français", a déclaré M. Macron, lors d'une conférence de presse commune à Yaoundé avec son homologue camerounais Paul Biya. "Je prends ici l'engagement solennel d'ouvrir nos archives en totalité à ce groupe d'historiens qui nous permettront d'éclairer ce passé", a-t-il dit. "Il convient d'établir factuellement" des "responsabilités", a ajouté le président français, en estimant qu'il s'agissait d'un "sujet refoulé" en France comme au Cameroun. Il a ensuite précisé que cette commission pourrait être "interdisciplinaire", comme le souhaite le Conseil des jeunes franco-camerounais avec lequel il a débattu dans la soirée au "village" créé par le tennisman Yannick Noah à Yaoundé. La commission pourra être mise en place d'ici trois mois et rendre son rapport d'ici 24 mois au président français, qui a assuré que des moyens lui "seront mis à disposition" et qu'il en tirerait une "reconnaissance" de ce qui s'est passé et non une "repentance". Après la défaite de l'Allemagne en 1918, la Société des Nations (SDN, ancêtre de l'ONU) avait confié la majeure partie de la colonie allemande du Kamerun à la tutelle de la France et le reste - la partie occidentale bordant le Nigeria - à la Grande-Bretagne. Avant l'indépendance du pays en 1960, les autorités françaises ont réprimé dans le sang les "maquis" de l'UPC (Union des populations du Cameroun), un parti nationaliste fondé à la fin des années 1940 et engagé dans la lutte armée contre le colonisateur et ses alliés camerounais, particulièrement en pays Bamiléké. Plusieurs dizaines de milliers de militants pro-UPC, dont le leader indépendantiste Ruben Um Nyobè, ont été massacrés d'abord par l'armée française, puis après l'indépendance par l'armée camerounaise du régime d'Ahmadou Ahidjo. Lundi, un collectif de partis politiques camerounais a appelé Emmanuel Macron à reconnaître les "crimes de la France coloniale". "Nous avons un contentieux historique avec la France (...) Nous saisissons l'occasion pour réveiller les Camerounais par rapport au problème avec la France qui est de remettre tous les crimes de la France sur la table et le solder définitivement si on veut avoir une relation apaisée", avait déclaré lundi Bedimo Kuoh, membre du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), lors d'une conférence de presse à Douala. Au cours de la dernière visite d'un président français à Yaoundé, François Hollande avait concédé en 2015 qu'il y avait "eu des épisodes extrêmement tourmentés, tragiques même". "Nous sommes ouverts pour que les livres d'histoire puissent être ouverts et les archives aussi", avait-il ajouté. Le discours sur cette période "nourrit une forme de défiance et de fantasmes" qui ternit l'image de la France, commente un diplomate français. Avec cette annonce d'Emmanuel Macron, "il s'agit d'être fidèle à la méthode que nous nous sommes fixés: ne pas rentrer dans une séquence politique avant que le travail des historiens n'ait été fait, comme nous l'avons fait avec le Rwanda et le rapport Duclert". Publié en mars 2021 et basé sur l'analyse d'archives françaises, le rapport de la commission Duclert a conclu aux responsabilités "lourdes et accablantes" de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Avec ce pays "on est sorti de ce qui était une impasse et d'une absence de relations", a estimé Emmanuel Macron. Il a également fait le rapprochement avec le processus engagé sur la colonisation et la guerre d'Algérie depuis 2017.
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