Lancé ces dernières semaines, le hashtag qui appelle le chef du gouvernement de 61 ans à démissionner a déjà été partagé par près de 600.000 comptes sur Facebook.
L'appel est assorti d'une demande de réduction de moitié des prix de l'essence (environ 16 dirhams, 1,5 euro) et du gazole (plus de 14 dirhams), alors que le salaire minimum mensuel est d'environ 270 euros.
Cette campagne virtuelle ne s'est pas traduite par des manifestations mais a déclenché une polémique politico-médiatique, alimentée par des syndicats et parlementaires de l'opposition.
"Les compagnies pétrolières continuent de piller les Marocains dans le silence et l'impuissance du gouvernement", a fustigé cette semaine la Confédération démocratique du travail (CDT), les accusant d'"accumuler des profits immoraux".
Le Maroc connaît une croissance au ralenti (+1,5%) et une inflation exceptionnellement élevée qui devrait dépasser les 5,3% en 2022, selon les prévisions officielles.
Le gouvernement justifie la cherté de la vie par un contexte international marqué par la pandémie du Covid-19 puis la guerre en Ukraine ainsi qu'une sécheresse inédite affectant l'agriculture, secteur clé du pays.
- "Argent et pouvoir" -
Mais les internautes sont très remontés contre M. Akhannouch, accusé de "profiter" de la situation, étant actionnaire principal d'Afriquia, leader du marché marocain des hydrocarbures -entièrement dépendant des importations- avec les géants Total et Shell.
Sa fortune personnelle est estimée à 2 milliards de dollars, par Forbes, ce qui en fait l'un des hommes les plus riches du Maroc.
"Pour les initiateurs de cette campagne, Aziz Akhannouch incarne l'alliance de l'argent et du pouvoir.Selon eux, il n'apporte pas de solutions, il fait partie du problème", explique à l'AFP le politologue Mohamed Chakir.
La question d'un conflit d'intérêts entre l'exécutif et les milieux d'affaires est "cruciale et mérite d'être posée", abonde le politologue Ahmed Bouz, notant "un gros problème de communication pour Akhannouch et son gouvernement".
Le Premier ministre, écrasant vainqueur des législatives de 2021, est resté muet face à des critiques dont il est coutumier.Son entreprise Afriquia a déjà été visée avec d'autres importants industriels par une campagne de boycott pour dénoncer le coût de la vie en 2018 quand il était ministre de l'Agriculture.
L'ensemble des compagnies pétrolières implantées au Maroc ont également gardé le silence.
- "Faux comptes" -
La réaction la plus nette est venue de l'agence de presse officielle MAP qui a fustigé une "campagne tendancieuse" qui serait, selon elle, "alimentée par plus de 500 faux comptes créés instantanément par des milieux malveillants inconnus".
Cet article a provoqué une autre bataille sur les réseaux sociaux, certains, dont des députés de l'opposition, dénonçant le "parti pris" de la MAP en faveur de M. Akhannouch.
Depuis la libéralisation du marché en 2015, de nombreuses voix réclament le plafonnement des marges "exorbitantes" des distributeurs de carburants et une réduction des taxes gouvernementales sur la vente à la pompe.
Saisi de l'affaire des marges, le Conseil marocain de la concurrence avait conclu en juillet 2020 à une entente entre géants pétroliers.
Des sanctions avaient été infligées aux trois leaders du marché, Afriquia, le français Total et l'anglo-néerlandais Shell, mais elles n'ont pas été appliquées.
Face aux appels pour faire baisser les prix à la pompe, le gouvernement s'est borné à allouer depuis avril un soutien mensuel aux transporteurs routiers.
L'exécutif a également doublé la dotation des subventions du gaz, de la farine et du sucre à 32 milliards de dirhams (environ 3 milliards d'euros) pour 2022.
Au moment de la libération du marché des hydrocarbures, le gouvernement avait dit vouloir compenser la levée des subventions étatiques par une aide mensuelle directe aux plus démunis, un soutien qui n'a jamais vu le jour.
Pourtant, le roi Mohammed VI, dont M. Akhannouch est réputé proche, a appelé samedi à la "solidarité nationale" et "à la lutte déterminée et responsable contre les spéculations et la manipulation des prix".
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