"Ce 8 août est un jour historique pour le Tchad et les Tchadiens", a déclaré à Doha Mahamat Idriss Déby, saluant un accord qui selon lui délivre le pays des "démons de la guerre fratricide" et "répare les fissures du passé".
L'arrangement, qui prévoit notamment un "cessez-le-feu général" entre les autorités et les groupes signataires, censé ouvrir la voie au retour à un pouvoir civil, a été qualifié de "moment clé pour le peuple tchadien" par le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui s'est exprimé dans une vidéo diffusée lors de la cérémonie officielle à Doha.
M. Guterres a néanmoins insisté sur le fait que ce dialogue devait être "inclusif" pour pouvoir réussir.
Depuis cinq mois, divers acteurs tchadiens négocient sous l'égide du Qatar pour mettre fin à des décennies d'instabilité dans ce pays de 16 millions d'habitants qui a connu plusieurs coups d'Etat.
Le Tchad, membre du G5 Sahel, est considéré comme un partenaire clé dans la lutte antijihadiste menée en Afrique centrale et de l'Ouest par les Occidentaux, à commencer par la France, son ancienne puissance coloniale, qui a salué cet accord.
"L'accord de Doha constitue une étape majeure en vue de la tenue du dialogue national inclusif qui s'ouvrira prochainement à N'Djamena entre toutes les forces politiques et sociales du pays", s'est félicitée une porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.
La junte tchadienne s'engage dans l'accord à assurer la sécurité des membres des groupes rebelles pour qu'ils participent au dialogue national.
Au lendemain de la mort du président Idriss Déby Itno, tué au front contre des rebelles en avril 2021, son fils, le jeune général Mahamat Idriss Déby Itno, avait été proclamé président à la tête d'un Conseil militaire de transition de 15 généraux.
Il avait aussitôt promis des élections libres et démocratiques dans un délai de 18 mois, après un "dialogue national inclusif" avec l'opposition politique et les innombrables mouvements rebelles.
- "Dialogue biaisé" -
Mais certains mouvements rebelles ont décidé de ne pas signer l'accord, à commencer par l'un des principaux, le FACT, qui était à l'origine de l'attaque ayant conduit à la mort en avril 2021 du maréchal Idriss Déby Itno, qui dirigeait d'une main de fer le Tchad depuis 30 ans.
Le FACT a dénoncé dans un communiqué "la non prise en compte de (ses) revendications", comme la libération des prisonniers.Mais il a également affirmé qu'il restait "disponible au dialogue partout et toujours".
"La guerre ne résout rien, nous voulons un règlement pacifique et politique, mais lorsque nous serons contraints à nous défendre, nous allons nous défendre", a déclaré à l'AFP Mahamat Mahdi Ali, leader du FACT.Resté dans le désert libyen, il n'a pas fait le déplacement à Doha et a dénoncé "un dialogue biaisé d'avance".
Plusieurs groupes rebelles qui ont refusé de signer l'accord, dont le FACT, ont critiqué dans un communiqué la "mauvaise foi de la délégation du gouvernement" et imputé "l'entière responsabilité" de cet "échec" à "la junte au pouvoir".Ces groupes armés réclament notamment l'inéligibilité des membres de la transition et une réforme de l'armée, des points non mentionnés dans l'accord final.
Cet accord "ne résout pas la question de l'opposition armée, puisque certains des principaux groupes n'ont pas signé", a déclaré à l'AFP Jérôme Tubiana, chercheur français spécialiste du Tchad et de ses groupes rebelles."Mais ce scénario était écrit d'avance, puisque que le gouvernement avait fait le choix de diluer le poids des quatre ou cinq principaux groupes au milieu d'une représentation beaucoup plus large".
Le Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR), un autre important groupe rebelle, a lui aussi refusé de signer l'accord, disant ne pas vouloir "faire partie d'un dialogue dont nous ne connaissons pas les objectifs".
- "Bon départ" -
Au total, 42 des 47 groupes représentés à Doha ont apposé leur signature lundi aux côtés du pouvoir.
Ils s'engagent ainsi à participer au dialogue national prévu à N'Djamena le 20 août en présence, selon les autorités, de plus de 1.300 représentants, de rebelles et de syndicats notamment.
"Avoir autant de groupes signataires est un bon départ pour le dialogue national", estime le chef d'un de ces groupes sous couvert d'anonymat, soulignant que l'accord serait toutefois "plus fructueux" s'il incluait le FACT.
L'accord de Doha intervient alors que le général Mahamat Idriss Déby laisse planer le doute sur un report de l'élection présidentielle, prévue en octobre si la transition n'est pas prolongée, mais Paris, l'Union africaine et l'Union européenne poussent pour qu'il ne touche pas à ce délai.
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