Les 22,1 millions d'électeurs voteront six fois pour déterminer l'avenir politique de ce pays considéré comme un îlot démocratique dans une région instable, mais qui fut aussi le théâtre de graves violences il y a quinze ans.
Le duel s'annonce serré entre les deux principaux candidats à la présidence, des figures du paysage politique dont les visages s'affichent depuis des mois à travers le pays.Raila Odinga, 77 ans, vétéran de l'opposition désormais soutenu par le pouvoir, affronte William Ruto, 55 ans, vice-président qui fait figure de challenger.
Samedi, dernier jour de campagne, chacun a voulu montrer ses muscles en tenant un ultime meeting électoral dans un stade de la capitale kényane, y faisant affluer des milliers de partisans, vêtus de jaune pour le camp Ruto et de bleu côté Odinga.
Si aucun des deux adversaires, qui se connaissent bien pour avoir été alliés dans le passé, n'obtient mardi plus de 50% des voix, le Kenya connaîtra pour la toute première fois un second tour dans une élection présidentielle.
Quelle que soit l'issue, le nouveau président marquera l'histoire en n'appartenant pas à la communauté kikuyu, la première du pays, qui contrôle le sommet de l'Etat depuis vingt ans et dont est issu le sortant Uhuru Kenyatta - que la Constitution empêchait de se représenter après deux mandats.
Mardi, les électeurs inscrits dans quelque 46.000 bureaux de vote - ouverts entre 06H00 et 17H00 locales (03H00 à 14H00 GMT) - doivent départager un Luo, M. Odinga, et un Kalenjin, M. Ruto, deux autres importantes communautés du pays.
- Spectre des violences -
Dans ce pays historiquement marqué par le vote tribal, certains experts estiment que ce facteur pourrait s'estomper cette année face aux enjeux économiques, tant la flambée du coût de la vie domine les esprits.
La pandémie, puis la guerre en Ukraine, ont durement touché ce moteur économique régional, qui malgré une croissance dynamique (7,5% en 2021) reste très corrompu et inégalitaire - trois Kényans sur dix vivent avec moins de 1,90 dollar par jour selon la Banque mondiale.
"Nous voulons des emplois, des emplois, des emplois", insistait samedi au meeting de M. Ruto Grace Kawira, journalière de 32 ans qui nettoie des maisons, lave des vêtements."Tout ce qui paie.Mais ce n'est pas tous les jours.Nous ne faisons que survivre."
William Ruto, qui s'érige en défenseur des "débrouillards", a martelé ce week-end son ambition de "réduire le coût de la vie".Presque au même moment, M. Odinga promettait de faire du Kenya "une économie dynamique et mondiale", composé d'une seule "grande tribu".
Historiquement, la composante ethnique a nourri les conflits électoraux, comme en 2007-2008 quand la contestation des résultats par M. Odinga avait conduit à des affrontements inter-communautaires faisant plus de 1.100 morts.Quinze ans ont passé depuis ces violences mais leur spectre continue de planer.
En 2017, des dizaines de personnes étaient mortes dans la répression de manifestations, après une nouvelle contestation par M. Odinga des résultats du vote - finalement annulé par la Cour suprême dans une décision historique.
"Le Kenya vote, l'Afrique de l'Est retient son souffle", titrait samedi The East African, pointant son rôle clé pour le commerce régional.
Mais cet hebdomadaire respecté ajoutait que "le Kenya a fait de grandes enjambées dans son évolution démocratique, et est en fait regardé comme une démocratie mature selon les standards régionaux".
- Capitale alanguie -
En dehors de rares incidents et d'un impressionnant flux de désinformation sur les réseaux sociaux, la campagne fut paisible et les deux favoris ont appelé au calme.Quelque 150.000 officiers doivent cependant être déployés à travers le pays.
Lundi, la vie menait son cours normal à Nairobi, même si la dynamique capitale semblait quelque peu alanguie, en raison notamment de la fermeture des écoles et du départ de nombreux électeurs vers leur région d'origine.
Des sources diplomatiques ont affirmé à l'AFP avoir bon espoir que le calme prévaudrait mardi mais ont insisté sur de possibles tensions dans les jours suivant le vote, dans ce pays marqué par la suspicion de fraudes.
La Commission électorale, soumise à une pression extrême et qui a dû annuler lundi quatre scrutins locaux en raison notamment de problèmes d'impression des bulletins, a jusqu'au 16 août pour déclarer les résultats.
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