A El-Kram, en Tunisie, de futurs clandestins visent d'autres frontières

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LE KRAM (Tunisie) (AFP)

"Macedonia, Montenegro, Bosna!!!": les rives de l'Italie voisine n'attirent plus Jamel, un Tunisien "champion" des voyages clandestins périlleux, qui vise désormais d'autres frontières pour vivre coûte que coûte son "rêve européen" en France.

Aux confins d'un terrain vague au Kram (nord de Tunis) près d'une plage balayée par une mer turquoise où des bateaux croisent au large, Jamel, 36 ans, raconte avoir connu pendant ses multiples voyages clandestins pour entrer en Europe les geôles "turques, grecques, égyptiennes, marocaines".

Mais malgré tout et même les nombreuses lacérations qu'il s'est faites "avec une lame" sur le ventre "dans une prison libyenne pour pouvoir revenir en Tunisie", il se dit prêt "à repartir".

"Au moins en Europe, dit-il, je peux vivre vraiment, je me fous de Lampedusa (centre d'accueil en Italie), je me fous de Schengen, j'ai un objectif que je veux atteindre: émigrer, trouver un boulot, avoir plein de fric et vivre comme les autres!".

"Je partirai seul et je réussirai à arriver en France" et il "n'y a pas que l'Italie pour rentrer en Europe, la Macédoine, le Monténégro, la Bosnie, la Bulgarie ont des frontières souples et je finirai par entrer en France".

Comme plus de 20.000 clandestins tunisiens partis des côtes tunisiennes - principalement de la région de Zarzis - à bord d'embarcations de fortune, Jamel, avait atterri à Lampedusa juste après la chute du régime de Ben Ali, le 14 janvier.

L'arrivée massive de Tunisiens en Italie, dont la plupart sont ensuite partis en France a provoqué des tensions entre Rome et Paris qui veut combattre les carences dans la politique d'immigration de l'Union européenne.

Donnant sur le golfe de Tunis, Le Kram, a été déserté par beaucoup de jeunes partis "vivre dans d'autres pays", selon des habitants, et l'évocation d'un rétablissement des frontières dans l'espace Schengen qui doit être discuté jeudi à Bruxelles laisse de marbre des candidats à l'immigration clandestine.

Près d'un phare abandonné, la plupart de ces hommes disent savoir "comment leur frères tunisiens ont été mal accueillis en France" qui a oublié "comment la Tunisie a accueilli les Français".

L'odyssée européenne de nombreux Tunisiens s'est achevée à Paris, notamment dans un square de banlieue précédemment occupé par des Tsiganes, où la plupart dorment le long d'une voie ferrée abandonnée sur des matelas de fortune.

Pour Zied, comme pour la plupart de jeunes candidats à l'immigration clandestine, la récente révolution tunisienne ne "signifie rien".

"Le gouvernement fait sans cesse des promesses sans rien faire de concret.Nous sommes toujours des chômeurs et nous sommes encore marginalisés", affirme ce jeune homme récemment expulsé d'Italie.

Surnommé le "Boss" par des habitants dans une ruelle de Kram, Mahmoud, la cinquantaine, a vécu "20 ans à Naples où tous ses voyages ont été illégaux" avant de regagner récemment la Tunisie car "l'Italie l'a condamné à 9 ans de prison pour trafic de drogue".

Les jeunes Tunisiens veulent, selon lui, "vivre à tout prix en Europe à cause de la misère, des poursuites judiciaires et préfèrent mener une vie de misère en Europe qu'en Tunisie"."Il y a environ de 20.000 clandestins à Lampedusa et à mon avis, 10.000 vont aller en prison, 6.000 vont retourner chez eux et 4.000 seulement vont réussir leur projet".

Casquette Cerruti sur la tête, Mohamed Saleh Chérif, raconte avoir récemment "essayé avec 103 autres jeunes de partir en Italie à bord d'un bateau depuis les côtes de Zarzis".

Mais à quelques kilomètres de Lampedusa, "le bateau a coulé" et il dit "être resté quatre jours dans la mer jusqu'à l'arrivée d'un bateau militaire tunisien mais 34 jeunes se sont noyés".

"Si je trouve l'argent, dit-il, je n'hésiterai même pas une minute à immigrer clandestinement et je suis prêt à tout car il n'y a pas d'espoir en Tunisie".

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