A l'issue d'un scrutin pacifique et d'une interminable attente de six jours, celui qui faisait figure de challenger a cumulé 50,49% des voix contre 48,85% pour son principal rival, l'ancien opposant historique Raila Odinga soutenu par le pouvoir, selon le président de la Commission électorale (IEBC), de laquelle se sont désolidarisés la majorité de ses membres.
A 55 ans, l'ambitieux William Ruto, un riche homme d'affaires parti de rien, devient le cinquième président du Kenya au terme d'une des élections les plus serrées de l'histoire de son pays.
Dans un pays historiquement marqué par les tensions tribales, il est le deuxième membre de l'ethnie kalenjin a être élu chef d'Etat après Daniel arap Moi (1978-2002) depuis l'indépendance en 1963.Il succède à Uhuru Kenyatta, un Kikuyu.
"Je travaillerai avec tous les leaders" politiques, dans un pays "transparent, ouvert et démocratique", a immédiatement assuré Ruto dans un discours télévisé.
"Il n'y a pas de place pour la vengeance", a-t-il poursuivi, se disant "totalement conscient" que le Kenya "est à un stade où nous avons besoin de tout le monde sur le pont".
A Eldoret, bastion de Ruto, une foule de plusieurs milliers de personnes a laissé éclaté sa joie, certains allant jusqu'à oublier d'écouter le discours de leur leader, chantant ou prononçant des prières les yeux fixés au ciel, tandis que des motos-taxis faisaient hurler leur klaxon à travers la ville.
"C'est un jour fantastique ! Je me sens très, très heureux, très fier.Ce pays avait besoin de changement", a déclaré à l'AFP James Kipror, 32 ans.
- "Processus opaque" -
A la mi-journée, le centre national de comptage de la Commission électorale, sur lequel les yeux de tout le pays étaient rivés, s'est rempli de représentants des partis, observateurs et diplomates, qui ont attendu l'annonce pendant plusieurs heures, divertis par des chorales, sous forte surveillance policière.
En début de soirée, Wafula Chebukati a annoncé devant eux la victoire de William Ruto avec 7,17 millions de votes contre 6,94 millions pour Odinga.Dans un contexte de pression extrême, le président de l'IEBC a par ailleurs déclaré avoir subi "intimidations et harcèlement".
Quelques minutes avant cette annonce, quatre des sept commissaires de l'IEBC ont tenu une conférence de presse inattendue, dans un hôtel de Nairobi, affirmant qu'ils rejetaient ces résultats - ce qui n'a cependant pas le pouvoir de les annuler.
"A cause du caractère opaque du processus (...) nous ne pouvons pas assumer la responsabilité des résultats qui vont être annoncés", a déclaré la vice-présidente de l'IEBC Juliana Cherera, appelant également les Kényans au "calme".
Des violences ont éclaté lundi soir dans certains quartiers populaires de la capitale Nairobi, dont Mathare et Kibera, deux bastions d'Odinga.
A Kisumu, un autre de ses bastions, la police a tiré des gaz lacrymogènes face à des manifestants qui jetaient des pierres et érigeaient des barrages avec de grosses pierres.
Si le Kenya, pays de 50 millions d'habitants, est considéré comme un îlot de stabilité dans une région tourmentée, les résultats de toutes les présidentielles depuis 2002 y ont été contestés.Celle de 2017 avait même été annulée par la Cour Suprême - une première en Afrique -, saisie alors par M. Odinga.
Le pays a connu des crises post-électorales violentes, comme en 2007-2008 où la contestation des résultats, également par M. Odinga, avait conduit à des affrontements interethniques faisant plus de 1.100 morts et des centaines de milliers de déplacés.
- Coût de la vie -
Durant la campagne, MM.Odinga et Ruto, qui se connaissent bien pour avoir été alliés par le passé, ont assuré qu'ils respecteraient les résultats d'élections libres et transparentes, s'engageant à porter leurs éventuels griefs en justice.
Etant donné le faible écart de voix - à environ 233.000 - un recours devant la Cour Suprême ne fait guère de doute.
Le camp d'Odinga aura sept jours pour le déposer.Le candidat lui-même ne s'est pas exprimé mais sa colistière Martha Karua a déclaré sur Twitter : "Ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini".
Le scrutin, qui comprenait également les élections législatives et locales, a été marqué par une participation en baisse, à environ 65%, contre 78% en 2017.
Une certaine désillusion envers le politique mais aussi l'actuelle flambée des prix ont dominé la campagne électorale.La pandémie, puis la guerre en Ukraine ont en effet durement touché cette locomotive économique régionale, qui malgré une croissance dynamique (7,5% en 2021) reste très inégalitaire.
Défendant une "économie du bas vers le haut", William Ruto s'est proclamé porte-parole des "débrouillards" face aux dynasties politiques incarnées par Kenyatta et Odinga.
Le nouveau président et son vice-président Rigathi Gachagua, tous deux empreints d'une réputation sulfureuse, devront également faire face à l'envolée de la dette et à la corruption endémique.
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