Le calme de ces dernières semaines avait accompagné les premières heures de la journée.
A Kisumu dans l'ouest du pays, des partisans de "Baba", "papa" en swahili comme ils surnomment l'ancien prisonnier politique Raila Odinga, dansaient, agitaient des drapeaux, convaincus que l'heure du couronnement de leur candidat allait enfin sonner. La cinquième candidature serait la bonne.
Malgré le duel au coude-à-coude qui a tenu le pays en haleine depuis le début du dépouillement, le 9 août au soir, la plupart de ces partisans étaient incapables -- ou réticents -- à envisager une autre issue que la victoire pour Raila Odinga.
Pourtant en fin d'après-midi, les résultats à peine proclamés et la nuit pas encore tombée, des barricades étaient dressées, des feux allumés, enveloppant l'air de fumées noires.
Des jeunes marchaient dans la rue, pierres à la main, criant "Pas de +papa+, pas de paix".
- "C'était notre tour" -
La déception a submergé ce bastion de Raila Odinga, vétéran de l'opposition défait lors de la présidentielle finalement remportée par William Ruto, à quelques 230.000 voix près.
"C'était notre tour de gouverner !", se désole Collins Odoyo, 26 ans, pressé de rejoindre, pieds nus, la foule de mécontents, un vuvuzela pendu autour du cou.
"Le gouvernement doit nous écouter.Il doit refaire les élections.Raila Odinga doit être président", dénonce en écho Isaac Onyango, 24 ans, les yeux irrités par les tirs de gaz lacrymogène lancés par la police pour disperser la foule.
"Nous continuerons à protester jusqu'à ce que la Cour Suprême du Kenya nous écoute", prévient-il en référence à la présidentielle d'août 2017 annulée par la plus haute juridiction du pays en raison d'"irrégularités".
Ce scrutin avait été contesté, comme tous ceux depuis 2002 que ce soit dans la rue ou devant la justice.
"Le vote de +Baba+ a été volé", fustige Emmanuel Otieno, un chauffeur de moto-taxi depuis Kibera, l'un des bidonvilles de la capitale Nairobi secoué lundi soir par des manifestations.
Des pneus ont été enflammés pour bloquer des rues de cet autre fief d'Odinga, où des jeunes lançaient des pierres pendant que d'autres soufflaient dans des vuvuzelas et des sifflets.
- "La victoire des gens d'en bas" -
A Eldoret, fief de William Ruto, l'euphorie qui s'est emparée de la ville aux premières heures de la matinée s'est, elle, poursuivie jusque tard dans la soirée.
Des milliers de personnes se sont réunis des heures durant devant un écran géant, dans une ambiance festive, avant de laisser éclater leur joie à la seconde où les mots "sept millions de vote" ont été prononcés.
Oubliant le discours de leur leader fraîchement élu, ils se sont mis à chanter et danser, brandissant des portraits de Ruto ou remerciant Dieu, les yeux levés au ciel, tandis que des boda-bodas (motos-taxis) faisaient hurler leur klaxon à travers la ville.
"C'est un jour fantastique ! Je me sens très, très heureux, très fier.Ce pays avait besoin de changement", a déclaré à l'AFP James Kipror, 32 ans.
Célébrant Ruto l'enfant du pays dès le matin, Winnie Ndalut, professeure de biologie de 35 ans, saluait la réussite de celui qui était "vendeur de poulets et se retrouve maintenant Président de la République du Kenya".
"C'est la victoire de tous les gens qui sont en bas de l'échelle, les boda bodas, les mama mbogas" qui vendent des légumes sur les bords de route, ajoute-t-elle, persuadée qu'il "sera la personne qui nous portera, des tréfonds jusqu'au sommet".
Laban Keter demandait, lui, "à ceux qui soutiennent le camp d'en face d'accepter le verdict du peuple": "Faisons avancer ce pays en maintenant la paix".
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