Alors que la répression a fait 119 morts en un an, les chancellleries occidentales avaient appelé le pouvoir militaire à ne pas tirer sur la foule.
Mardi, face à une mobilisation d'une ampleur inédite depuis des mois, aucun tir n'a retenti mais un manifestant "a été tué, renversé par un véhicule militaire" dans la banlieue de Khartoum, ont indiqué des médecins pro-démocratie.
Toute la journée, malgré une coupure d'internet - finalement rétabli en fin de journée - les manifestants ont scandé "les militaires à la caserne", à Khartoum et dans ses banlieues, où en soirée encore de nombreuses routes étaient bloquées.
Car dès l'aube, les deux camps s'étaient activés: les manifestants ont érigé des barricades pour ralentir l'avancée des forces de sécurité et celles-ci ont bloqué ponts et avenues pour empêcher un déferlement de protestataires vers le palais présidentiel où siège le général Abdel Fattah al-Burhane, l'auteur du coup d'Etat du 25 octobre 2021.
- "Un an qu'on manifeste" -
C'est aux abords de ce bâtiment que la police, qui accuse certains manifestants d'être "armés et formés à la violence", a tiré des grenades lacrymogènes pour tenter de disperser la foule.
Depuis le putsch, manifestants et militants répètent le même mot d'ordre: "pas de négociation ni de partenariat avec les putschistes" et retour au pouvoir des civils, condition sine qua non pour la reprise de l'aide internationale interrompue à la suite du putsch.
"Ca fait un an qu'on manifeste et ça nous a permis de contenir le putsch: il n'a pas pu gagner la reconnaissance internationale ou régionale", affirme à l'AFP un manifestant à Khartoum.
"C'est la première fois de l'histoire qu'on voit un putsch ne pas réussir à avancer d'un pouce en une année entière", se félicite un peu plus loin un autre manifestant, jellaba blanche et drapeau soudanais sur l'épaule.
Il y a un an, le général Burhane, chef de l'armée, rompait tous les engagements pris deux ans auparavant au Soudan.
A l'aube, il faisait arrêter les dirigeants civils avec lesquels il avait accepté de partager le pouvoir quand, en 2019, l'armée avait été forcée par la rue de déposer l'un des siens, le dictateur Omar el-Béchir après trois décennies au pouvoir.
Un an plus tard, de nouveau, des milliers de Soudanais l'ont conspué à Atbara, dans le nord du pays, ainsi qu'à Wad Madani et al-Obeid, dans le centre, à Gedaref et Port-Soudan, dans l'est, et à Niyala, dans l'ouest, ont rapporté des habitants à l'AFP.
Le Soudan nage dans l'incertitude.Aucun observateur n'imagine possible la tenue des élections promises à l'été 2023, aucune figure politique ne semblant jusqu'ici prête à rejoindre le gouvernement civil régulièrement promis par le général Burhane, tandis que les médiations internationales n'ont pas abouti.
Et l'aide internationale est cruellement nécessaire dans ce pays, l'un des plus pauvres au monde.
- Inflation et vide sécuritaire -
Entre inflation à trois chiffres et pénuries alimentaires, un tiers des 45 millions d'habitants souffrent de la faim.C'est 50% de plus qu'il y a un an, souligne le Programme alimentaire mondial (PAM).
Le prix du panier alimentaire minimum a augmenté de 137% en un an, forçant quasiment tous les foyers à "consacrer plus des deux tiers de leurs revenus à la nourriture", ajoute le PAM.
Outre les conditions de vie difficiles, de nombreux Soudanais s'inquiètent, trois ans après la "révolution" de 2019, du retour de la dictature islamo-militaire dans un pays quasiment toujours sous la coupe des généraux depuis l'indépendance.
Car depuis le putsch, plusieurs fidèles de M. Béchir, aujourd'hui en prison, ont retrouvé leurs postes, notamment à la Justice qui mène actuellement le procès de l'ex-président.
Surtout, avec la mobilisation des forces de sécurité pour la répression des anti-putsch, les experts constatent un vide sécuritaire dans le reste du pays.
En l'absence des autorités, les conflits tribaux prospèrent dans le sud et l'est Soudan.
Ces combats à l'arme automatique généralement pour l'accès à la terre et à l'eau ont fait depuis janvier près de 600 morts et plus de 210.000 déplacés, selon l'ONU.
Ces derniers jours, 250 personnes, selon l'ONU, ont ainsi été tuées dans un seul district de l'Etat du Nil Bleu, frontalier de l'Ethiopie et du Soudan du Sud.
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