Depuis le 10 octobre, la cour d'assises de Paris juge Kunti Kamara, un ancien commandant rebelle, pour une série d'atrocités commises pendant la première guerre civile (1989-1997) au Liberia, où ces crimes n'ont jamais été jugés. "Cette impunité empêche le Liberia de se reconstruire", a estimé Me Sabrina Delattre, qui défend plusieurs civils libériens accusant M. Kamara d'actes de torture et de barbarie et représente l'ONG Civitas Maxima qui est à l'origine de ce procès inédit. Arrêté à Bobigny en 2018 et jugé en France parce qu'il y résidait, l'accusé de 47 ans comparaît notamment pour "complicité de crimes contre l'humanité" et encourt la réclusion à perpétuité. Son procès comme celui, historique, d'un autre rebelle libérien en Suisse en 2021, démontrent toutefois que "la peur change de camp" et gagne les tortionnaires qui ont fait des meurtres, viols et prédations "une fin en soi" pendant la guerre, selon Me Delattre. La tâche est toutefois ardue, a admis l'avocate. "Ce procès tient grâce à la parole des victimes parce que les preuves sont rares", a-t-elle relevé, notant que ces témoins sont de moins en moins nombreux dans un pays où l'espérance de vie n'est que de 64 ans selon la Banque mondiale. Le Liberia ne compte par ailleurs que "18 procureurs", selon Me Delattre. Face aux Libériens venus raconter à la cour les viols, les tortures et les actes de cannibalisme, l'accusé, qui conteste les faits et crie au complot, a été dans "le déni" et n'a montré "aucune compassion", a estimé Me Delattre. Certains témoignages ont certes fait apparaître des contradictions, a admis Me Delattre. "La mémoire est imparfaite parce qu'elle s'est construite dans un contexte traumatisant", a-t-elle souligné, en assurant toutefois qu'aucune victime n'avait "exagéré" leurs souffrances. Leurs contradictions sont même "rassurantes" parce qu'elles montrent que "les témoignages n'ont pas été téléguidés", selon l'avocate. Les réquisitions et la plaidoirie de la défense sont attendues lundi avant le verdict mercredi.
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