Des flammes, des échanges de tirs, des rues désertes... Voilà le triste spectacle offert depuis trois jours par Abyei, ville située à la lisière du Nord et du Sud Soudan. Samedi, l'armée gouvernementale de Khartoum (Nord) s'est emparé de cette localité frontalière. Les combats entre nordistes et sudistes ont poussé plus de 20 000 civils à fuir vers le Sud. Cette offensive - éclair de l'armée d'Omar al-Béchir sur Abyei fait suite à une embuscade dans laquelle 22 soldats nordistes ont été tués. Khartoum a immédiatement accusé l'Armée populaire de libération du Soudan, principal mouvement indépendantiste du Sud, d'être responsable de cet accrochage. Les autorités sud-soudanaises ont expliqué qu'elles tenaient cette invasion pour « un acte de guerre » mais qu'elles ne riposteraient pas. Les Nations-Unies et l'Union Européenne ont immédiatement condamné cette attaque. Quant aux Etats-Unis, ils ont clairement demandé au régime de Khartoum de retirer ses troupes d'Abyei. Avec l'invasion d'Abyei, c'est tout le processus de séparation entre le Nord et le Sud Soudan qui risque d'être remis en question. En 2005, un accord de paix global entre les deux entités met fin à 22 ans de guerre civile. Cet accord de paix prévoit notamment un référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan, avec Juba pour capitale. Organisé en janvier 2011, le résultat du scrutin est sans appel : 98,83% des électeurs se prononcent en faveur de l'indépendance du Sud-Soudan. La date de la proclamation officielle du nouveau pays est fixée au 9 juillet 2011. Misseriyas contre Dinkas Ngok Riche en pétrole mais aussi en eau, l'enclave d'Abyei a toujours fait l'objet d'énormes convoitises entre le Nord et le Sud Soudan. Depuis mai 2008, cette enclave appartient au Nord mais est dirigée par un conseil mixte composé de nordistes et de sudistes. Lundi, ce conseil hybride a été dissous par l'armée de Khartoum. Historiquement, la région est fréquentée par deux tribus à la rivalité ancestrale. D'un côté, les Misseriyas, des nomades éleveurs qui sont dans la région six mois par an. De l'autre, les Dinkas Ngok, des agriculteurs sudistes qui vivent à Abyei en permanence. Lors du référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan, la région d'Abyei devait voter séparément pour dire si elle voulait faire partie du Sud ou du Nord. Anticipant le vote sudiste pour l'indépendance, le gouvernement de Khartoum fait tout pour retarder le scrutin à Abyei. Celui-ci n'a toujours pas été organisé, principalement parce que le Nord et le Sud s'opposent sur la composition du corps électoral. Pour Khartoum, les Misseriyas doivent être inclus dans le vote. Pour Juba, il n'en est pas question. Ces tensions locales dans la région d'Abyei font ressurgir la crainte d'une guerre entre nordistes et sudistes. Chaque camps accuse l'autre d'entretenir la tension en multipliant les accrochages depuis décembre. Soumis à d'intenses pressions internationales, Khartoum a été obligé d'accepter la sécession du Sud, qui dispose près de 80% des ressources pétrolières du Soudan. En annexant la région d'Abyei, Omar al-Béchir montre une nouvelle fois qu'il ne lâchera pas le morceau facilement. Benjamin ROGER
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