Le 21 février, M. Saied a affirmé que la présence en Tunisie de "hordes" d'immigrés clandestins provenant d'Afrique subsaharienne était source de "violence et de crimes" et relevait d'une "entreprise criminelle" visant à "changer la composition démographique" du pays.
Samedi, "on a fait embarquer 133 personnes" parmi lesquelles "25 femmes et 9 enfants ainsi que 25 étudiants" dans l'avion qui a quitté la Tunisie vers 11H00 GMT, a déclaré samedi à l'AFP un diplomate malien.
Deux heures plus tard, un autre appareil devant rapatrier 145 Ivoiriens a décollé de Tunis, selon l'ambassadeur ivoirien en Tunisie, Ibrahim Sy Savané, contacté par l'AFP.
Le discours présidentiel, condamné par des ONG comme "raciste et haineux", a provoqué un tollé en Tunisie où les personnes d'Afrique subsaharienne font état depuis d'une recrudescence des agressions les visant et se sont précipitées par dizaines à leurs ambassades pour être rapatriées.
Devant l'ambassade du Mali, surchargés de valises et ballots, tous ont dit fuir un climat lourd de menaces."Les Tunisiens ne nous aiment pas, donc on est obligés de partir mais les Tunisiens qui sont chez nous doivent partir aussi", a dit à l'AFP Bagresou Sego, avant de grimper dans un bus affrété par l'ambassade pour l'aéroport.
Arrivé il y a 4 ans, Abdrahmen Dombia a interrompu ses études de mastère en pleine année universitaire: "la situation est critique ici, je rentre parce que je ne suis pas en sécurité".
Baril, un "migrant légal", s'est dit inquiet pour ceux qui restent: "on demande au président Kais Saied avec beaucoup de respect de penser à nos frères et de bien les traiter".
- "Actes racistes" -
Selon le gouvernement ivoirien, 1.300 ressortissants ont été recensés en Tunisie pour un retour volontaire.Un chiffre significatif pour cette communauté qui, avec environ 7.000 personnes, est la plus importante d'Afrique subsaharienne en Tunisie, à la faveur d'une exemption de visa à l'arrivée.
Quelque 30 étudiants ivoiriens, en situation régulière, font partie des rapatriés."Ils ne se sentent pas à l'aise, certains ont été victimes d'actes racistes, certains sont en fin d'études, d'autres les ont interrompues", a précisé à l'AFP par téléphone depuis l'aéroport Michaël Elie Bio Vamet, président de l'Association des étudiants ivoiriens.
"Il y a des agressions presque tous les jours, des menaces, ou bien ils sont mis dehors par leurs bailleurs, ou agressés physiquement", a-t-il ajouté.
Issus souvent de familles aisées, des dizaines d'étudiants d'Afrique subsaharienne étaient inscrits dans des universités ou centres de formation en Tunisie.
Apeurés, beaucoup sont déjà repartis par leurs propres moyens, selon leurs représentants.
L'Association des étudiants étrangers AESAT a documenté l'agression, le 26 février, de "quatre étudiantes ivoiriennes à la sortie de leur foyer universitaire" et d'"une étudiante gabonaise devant son domicile".
Dès le lendemain du discours de M. Saied, l'AESAT avait donné comme consigne aux étudiants subsahariens "de rester chez eux" et de ne plus "aller en cours".Une directive prolongée au moins jusqu'au 6 mars.
- "Des milices" -
Des Guinéens rentrés par le tout premier vol de rapatriement mercredi ont témoigné auprès de l'AFP d'un "déferlement de haine" après le discours de M. Saied.
Bon nombre des 21.000 ressortissants d'Afrique subsaharienne recensés officiellement en Tunisie, pour la plupart en situation irrégulière, ont perdu du jour au lendemain leur travail et leur logement.
Des dizaines ont été arrêtés lors de contrôles policiers, certains sont encore en détention.D'autres ont témoigné auprès d'ONG de l'existence de "milices" qui les pourchassent et les détroussent.
Cette situation a provoqué l'afflux de centaines de personnes à leurs ambassades pour être rapatriés.
D'autres, encore plus vulnérables car issues de pays sans ambassade à Tunis, ont rejoint un campement improvisé devant le siège de l'Office international des migrations (OIM), où elles dorment dans des conditions insalubres.
Selon l'ambassadeur ivoirien, la Tunisie a promis de renoncer à réclamer aux personnes en situation irrégulière des pénalités (80 dinars, 25 euros par mois de séjour irrégulier) qui, pour certains, dépassaient les 1.000 euros.
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