"Libya hurra!Libya hurra!Libya hurra!" dans la cour de l'école Fajer al Hurra de Benghazi une centaine d'enfants, filles et garçons en rangs séparés, crient pour "une Libye libre".
Face à eux, l'un des plus grands agite le drapeau rouge noir et vert de la rébellion.
Ils ont entre 4 et 12 ans ils sont les enfants d'une révolution qui a éclaté dans l'Est à la mi-février contre le régime de Mouammar Kadhafi.Depuis, la rébellion doit tenter d'inventer de nouveaux modes de vie et de survie, dans l'attente de la chute du dictateur.
Parce que les 300 écoles et universités de Benghazi sont devenues des lieux fantômes depuis les premiers combats, des volontaires ont décidé d'ouvrir quelques établissement aux enfants pour qu'ils oublient, pendant deux heures le matin, les violences armées qui saturent tous les programmes télévisés.
"Nous voyions ces enfants en mauvais état, cloîtrés chez eux, captifs des images violentes de la télévision, nous avons voulu les en sortir un peu", explique le directeur de l'école, Sadek Al Harari, qui a commencé comme prof dans cette école, il y a 30 ans.
"Le premier jour, le 1er avril, nous avons eu un seul enfant, c'est tout", dit-il en souriant."Alors je suis sorti dans la rue, j'ai parlé aux parents qui passaient en voiture en famille, je leur ai proposé d'envoyer leurs enfants le matin, de 10 heures à midi".
Il sont maintenant environ 200 à alterner classes de théâtre, de dessin, de musique, d'informatique et...d'arithmétique.Même une classe d'anglais a été ouverte.
Quelle est la différence avec l'ancien système sous Kadhafi?
"Il y a une grande différence, explique Fatma, 20 ans, l'une des enseignantes volontaires qui, comme ses consoeurs, était étudiante avant l'insurrection.
"Sous Kadhafi, tout était contrôlé, tout privilégiait son image, son pouvoir.Les enseignants étaient durs.Nous venions pour passer des examens, c'est tout", dit-elle."Maintenant nous venons pour apprendre la vie, pour devenir quelqu'un, quelqu'un de libre".
Des cris s'élèvent de l'une des salles.
Sur une scène de théâtre un groupe de garçons mime une manifestation en criant "Libya Hurra (Libye Libre en arabe)"!le cri de ralliement des insurgés.Face à eux, deux gamins armés d'AK 47 en plastique, pas très rassurés, miment les soldats de Kadhafi.Ils reculent, tirent, deux manifestants tombent.Il sont portés à bouts de bras par leurs camarades pour recevoir des soins.
Dans une salle de classe voisine, une infirmière explique aux enfants les premiers soins d'urgence à prodiguer, compresses en main.
Vingt-cinq volontaires s'occupent de l'école, ils sont bénévoles.Seuls les enseignants de "l'avant révolution" sont payés, par le Conseil national de transition (CNT), l'organe politique de la rébellion qui gère, cahin-caha, le vide créé par la paralysie de toutes les anciennes institutions publiques dépendant financièrement de Tripoli.
Au total, explique le directeur, quelque 35 programmes analogues fonctionnent dans Benghazi.
Pourquoi ne pas rouvrir les écoles et universités, avec des programmes complets, dans Benghazi déjà libérée?
"Nous nous battons pour libérer l'entière Libye.Lorsque les cités assiégées par Kadhafi seront libres, nous rouvrirons toutes les écoles sur l'ensemble du territoire, pas avant", affirme, résolu, le directeur.
Fatma, étudiante en 3è année de médecine, pourra alors reprendre ses études.Mais elle hésite sur sa voie: "Je veux devenir docteur mais j'aime tellement écrire aussi.Pourquoi pas devenir écrivain comme Shakespeare?"
"We have a dream!", ce slogan visible partout dans Benghazi libère la parole et semble permettre tous les rêves dans le chaos d'une révolution encore bien incertaine.
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