Depuis la cour de l'université d'Awka (sud-est), chacun de ces jeunes - dont la plupart votait pour la première fois - voulait s'assurer que son vote serait comptabilisé, sans que personne ne le modifie.
Sourire aux lèvres, certains dansaient au rythme du décompte.
Et lorsque l'assesseur s'est trompé, en passant de 71 à 73 par exemple, les voix ont fait écho et retenti dans la cour: "Non ! Il faut recommencer !". Le dépouillement redémarrant, dans l'hilarité générale.
Au Nigeria, où toutes les élections précédentes ont été entachées par des accusations de fraudes, la jeunesse du pays le plus peuplé d'Afrique s'est muée depuis samedi matin en ardente défenseure de la démocratie, veillant jour et nuit sur le bon déroulement du scrutin comme du dépouillement.En particulier dans le Sud, où se concentre la jeunesse connectée.
Notamment grâce à la popularité croissante d'un candidat outsider, Peter Obi, perçu comme plus jeune et intègre que les candidats des deux principaux partis.Sa candidature suscite un immense espoir dans le sud-est du pays, sa région natale, et a chamboulé l'élection dont l'issue s'annonce extrêmement serrée.
- "Pas assez secret !" -
Dès l'ouverture du scrutin samedi matin à Yaba, un quartier populaire de Lagos (sud-ouest), la capitale économique du Nigeria, de jeunes électeurs s'étaient postés devant un bureau de vote pour vérifier "que le scrutin se déroule librement", selon Richard, 31 ans, en jean et baskets.
Un peu plus tard, des électeurs qui faisaient la queue ont laissé éclaté leur colère contre les trois agents électoraux et la seule militaire présents dans ce bureau.
"Ce n'est pas assez secret ! On peut voir ce que les gens votent", s'énervait la foule qui a fini par convaincre le président du bureau de vote de reculer l'isoloir contre un mur.
Et lorsque des détonations ont résonné au loin, les gens ont sursauté, sans pour autant s'enfuir."A chaque élection, il y a des intimidations (...) mais cette année sera différente", veut croire Richard.
De l'autre côté de la lagune, à Lekki, un quartier de la classe moyenne, des voyous armés ont attaqué plusieurs bureaux de vote samedi après-midi, et là encore, ce sont des électeurs qui ont tenté de leur faire barrage - et s'en sont tiré avec des blessures.L'armée est ensuite intervenue pour rétablir le calme, et le vote a pu reprendre.
Parmi ces héros ordinaires, une femme dont une photo du visage tuméfié et barré par un large pansement, vêtue d'un tee-shirt tâché de sang, a largement circulé sur les réseaux sociaux.Les internautes affirmant qu'elle était retournée déposer son bulletin dans l'urne malgré son agression.
Une fois la nuit tombée, à la lueur des torches de leurs téléphones, de nombreux jeunes se sont retrouvés pour suivre le dépouillement jusque tard dans la soirée, à l'instar de Nkechi Njoku qui a passé douze heures dans son bureau de vote à Port Harcourt (sud-est).
- #Protectthevote -
"Je n'ai pas mangé depuis, j'étais même sous la pluie !", racontait samedi soir à l'AFP cet homme de 42 ans qui rêve d'"un nouveau Nigeria".
Avec une dizaine d'autres électeurs, il n'a pas hésité à hausser le ton sur les agents électoraux pour les forcer à barrer les bulletins non-utilisés.Et ainsi empêcher de possibles bourrage d'urnes.
Mais cet enthousiasme citoyen s'est parfois accompagné d'incidents, comme à l'université d'Awka.Là-bas, les agents électoraux ne parvenaient pas à transférer électroniquement les résultats à cause du manque de réseau, provoquant la colère d'électeurs, qui les ont empêchés de quitter les lieux jusqu'à l'intervention de la police.
Comme eux, de nombreux agents, souvent épuisés de fatigue et sous pression, n'ont pu transmettre directement depuis leur bureau les résultats, à cause de problèmes de connexion, selon la Commission électorale.
Alors sur les réseaux sociaux, les Nigérians publiaient en masse les photos des résultats de leurs bureaux respectifs, avec comme hashtag #Protectthevote ("Protégez-le-vote", Ndlr).
Les résultats officiels doivent être annoncés à partir de 18H00 locale (17H00 GMT) dimanche.
En attendant, les citoyens préfèrent s'en remettre à Dieu, dans ce pays à l'extrême ferveur religieuse.
Ainsi, les chants résonnaient dimanche matin dans l'église Foursquare Gospel du quartier de Lagos Island, où plus de 200 fidèles, parés de leur plus beaux habits traditionnels, célébraient dans la joie cette élection.
"Nous avons la foi ce matin que le décompte de cette élection sera juste", a lancé le révérend Joseph A. Lamidi à sa communauté.
"Ce qui vient ensuite, nous le laissons entre les mains du Seigneur."
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