Le ministre sud-africain de la Justice Ronald Lamola a précisé vendredi que le gouvernement avait été informé jeudi soir de la décision d'un tribunal de Dubai de ne pas autoriser l'extradition des deux hommes d'affaires, arrêtés dans la même ville en juin.
"Nous avons appris avec stupeur et consternation que l'audience d'extradition a eu lieu au tribunal à Dubai le 13 février 2023 et que notre demande d'extradition a été rejetée", a dit M. Lamola.
Les médias d'Etat aux Emirats ont assuré que la procédure de demande d'extradition n'avait pas été respectée, mais qu'une nouvelle demande pouvait être présentée.
Les deux Gupta, et un troisième frère Ajay, d'origine indienne et redoutable trio d'hommes d'affaires, sont accusés d'avoir pillé les caisses de l'Etat, avec la complicité de M. Zuma, pendant ses neuf ans au pouvoir.
L'Afrique du Sud tente de mettre la main sur la richissime et influente famille depuis des années. Un rapport explosif avait dévoilé fin 2016 l'ampleur de ce qui a été baptisé dans le pays de "capture d'Etat".
Le trio est accusé d'avoir infiltré le sommet de l'Etat, profitant d'une longue amitié avec Zuma qu'ils ont acheté à coups de pots-de-vin tout au long de ses deux mandats (2009-2018).Ils auraient méthodiquement siphonné les caisses du pays, pillé les entreprises publiques et étendu leur emprise jusqu'à influencer le choix des ministres.
Ils ont ont fui l'Afrique du Sud après la création, en 2018, d'une commission chargée d'enquêter sur la corruption d'Etat.
L'Afrique du Sud avait formulé une demande d'extradition en juillet, peu après l'arrestation des deux frères à Dubai.
Les arrestations avaient suivi la signature d'un traité d'extradition entre Pretoria et les Emirats.
- Accumulation d'accusations -
Au centre de la demande d'extradition figure un contrat public douteux de l'équivalent de 1,5 million d'euros.Une infime partie dans l'accumulation des accusations contre les frères Gupta.
Selon M. Lamola, le tribunal émirati a estimé être compétent sur les faits de blanchiment reprochés aux deux frères, les faits ayant été commis aussi bien dans le pays qu'en Afrique du Sud.Sur les accusations de fraude et de corruption, le tribunal a estimé que le mandat d'arrêt avait été annulé, selon le ministre.
"Les raisons invoquées pour le rejet de notre requête sont inexplicables et vont à l'encontre des assurances données par les autorités des Emirats selon lesquelles notre requête était compatible avec leurs exigences", a-t-il estimé.
Le ministre a accusé les Emirats de ne pas avoir suffisamment consulté le gouvernement sud-africain avant le rejet de l'extradition, ajoutant qu'un tel "niveau de non-coopération" était "largement sans précédent".Il a précisé avoir reçu un résumé du jugement en langue arabe seule et avoir dû travailler toute la nuit pour analyser ce document.
"Nous avons toujours l'intention de nous tourner vers nos partenaires (...) afin de nous assurer que la décision du tribunal fasse rapidement l'objet d'un appel", a-t-il toutefois ajouté lors d'une conférence de presse.
Cette "extradition râtée" constitue un motif "d'embarras national", a jugé le principal parti d'opposition sud-africain, l'Alliance démocratique.
Les Emirats arabes unis ont réfuté ces accusations, affirmant que les autorités judiciaires avaient informé leurs homologues sud-africains "à chaque étape" de la procédure.
"La décision de rejeter cette demande d'extradition a suivi un processus d'examen exhaustif et légal", a indiqué WAM, l'agence de presse officielle des Emirats.Selon cette source, la demande d'extradition ne comportait pas de copie du mandat d'arrêt, ou incluait une version non conforme.Selon l'agence, l'Afrique du Sud a toujours la possibilité d'adresser une nouvelle demande "avec de nouveaux documents".
Toutefois, selon des informations de presse récentes, les deux frères auraient été aperçus en Suisse fin mars.
Ajay, Atul et Rajesh ont grandi dans une famille de classe moyenne dans le nord de l'Inde.
En 1993, un an avant l'élection de Nelson Mandela, Atul s'envole vers Johannesburg, poussé par son père alors convaincu que l'Afrique du Sud allait devenir "la nouvelle Amérique", avait expliqué un porte-parole de la famille.
Il y sera rejoint par ses frères quelques années plus tard.
Les frères ont réussi en moins de 20 ans à y bâtir un puissant conglomérat d'entreprises qui en a fait une des familles les plus riches du pays.
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