Cet étudiant de 30 ans a gagné Metema, ville frontalière du nord-ouest de l'Ethiopie où arrivent des milliers de personnes fuyant les affrontements entre armée soudanaise et forces paramilitaires.
Au Soudan, il avait "entamé une nouvelle vie", d'abord à Kassala, dans l'est, puis à Khartoum, la capitale, où il venait d'emménager.
Le samedi 15 avril, "je devais aller faire du kayak sur le Nil", se souvient-il: "Alors que je marchais, j'ai reçu plein de messages me disant +reste chez toi+".
Après huit jours sans sortir, dont trois sans électricité et deux sans eau, il parvient à quitter Khartoum à la faveur d'une accalmie.
"Je n'ai pris que mon sac à dos avec l'essentiel (...) J'ai abandonné beaucoup de choses derrière moi", explique-t-il.
Il a laissé en suspens son projet de fin d'études et est parti sans son passeport, resté à l'ambassade de Syrie où il devait être renouvelé.
Faute de papiers, il est bloqué depuis une semaine à Metema et, dit-il, "retourner en Syrie n'est pas une option".
- "J'étais si heureuse" -
Salam Kanhoush n'est pas le seul doublement exilé à Metema.
Avant le conflit, le Soudan hébergeait 1,1 million de réfugiés, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR).
Erythréenne de 24 ans, Sina était réfugiée au Soudan depuis 2018, déserteuse au bout de quatre ans de conscription - à durée illimitée en Erythrée et assimilée à du travail forcé par les organisations de défense des droits humains et l'ONU."Quatre ans à manger des lentilles et du pain chaque jour", décrit-elle.
Serveuse dans un hôtel, "j'étais si heureuse de ma nouvelle vie", raconte-t-elle."J'ai abandonné une maison pleine, un écran plat, mes ventilateurs, mes lits", ajoute la jeune femme, arrivée à Metema avec son petit ami et le frère de celui-ci.Et deux valises pour trois.
Ici, "nous n'avons pas de véritable abri, il n'y a pas assez d'eau et je n'ai pas d'argent", poursuit-elle, sous une bâche de fortune.Un retour en Erythrée vaudrait à Sina "la prison et un retour dans l'armée".
Sara, 24 ans, née au Soudan d'une mère érythréenne réfugiée, devait s'envoler le 17 avril pour le Canada, où celle-ci est installée depuis six mois.
"Tout a commencé un samedi.Je devais voyager le lundi suivant, mais la situation n'a fait qu'empirer", explique-t-elle avant d'ajouter: "Mes sentiments sont confus: c'est triste, c'est pénible, c'est décevant".
"Notre sécurité et notre vie sont la priorité, donc on ne peut pas penser aux choses qu'on a laissées derrière nous", estime-t-elle.Et "sur le chemin jusqu'ici, on vous prenait ce que vous aviez de valeur, alors ça ne valait pas le coup".
Elle craint de rester coincée longtemps à Metema, où elle est arrivée depuis quatre jours: "je n'ai toujours pas pu m'enregistrer auprès du HCR, on m'a dit que ce serait un processus long" pour rejoindre le Canada.
- Futur incertain -
Mohammed Qassim, 29 ans, est parti d'Afghanistan en 2016 vers le Soudan pour étudier.Son espoir d'y retourner s'est évanoui en 2021, lorsque les talibans ont pris Kaboul.
"J'essayais de faire de mon mieux pour vivre" au Soudan, "car je n'avais aucune chance de retourner en Afghanistan", résume-t-il, assis sur des tapis avec trois autres Afghans, à l'ombre d'une bâche tendue entre des arbres.
Il attendait de se voir remettre son diplôme en communication quand les combats ont éclaté à Khartoum.Son avenir, il ne le voit pas en Ethiopie.
"La situation en Ethiopie n'est pas si bonne (...) Pour l'instant, on se sent en sécurité mais dans le futur, je ne prévois pas de rester dans ce pays et j'espère pouvoir aller dans un autre endroit sûr", dit-il.
Salam Kanhoush le Syrien caresse, lui, le rêve de revenir un jour au Soudan obtenir son diplôme et "avancer dans la vie", dans "un endroit tranquille, loin de la guerre".
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